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SPEYSIDE LUNCH

Nous sommes de retour dans le nord-ouest de Paris dans le Vexin au restaurant O’BROTHER (où nous avions déjà eu l’occasion de réaliser un repas tourbé). La forêt commence à vêtir ses habits d’automne. Quand j’arrive sur place avec BRADPEAT je remarque qu’aujourd’hui, la marre située sur le côté de la bâtisse est encore plus verte qu’à l’habitude.

 

J’y rejoins Fabien (et ses collègues) gérant de la boutique LA VIGNERY CERGY (@LAVIGNERYCERGY) qui nous a concocté un repas très Speyside tournant autour de plusieurs whiskies ABERLOUR. En ces périodes de confinement difficile d’aller sur les bords de la rivière Spey, aussi il est plus facile de la faire venir à nous.

 

En entrant, je me rappelle le bon moment que j’avais passé là et aujourd’hui il y a foule.

 

Masqué, je m’assoie à une table ronde à côté d’un certain Guillaume et d’un autre Tormund. On nous présente la soirée. Ce soir point de vin, nous accompagnerons tous les plats de whisky (comme tous les menus du restaurant).

 

Sur une table à coté de nous nous voyons tous les whiskies qui seront proposés ce soir :

-  Aberlour 10 ans « Forest reserve »

 - Aberlour 12 ans

- Aberlour Casg Anahm

- Tormore 16 ans

- Scapa Glansa

- Aberlour À Bunahb 

 

Beau petit programme !

 

Comme d’habitude au O’Brothers, c’est homme en kilt qui fait le service. 

 

Aberlour 10 ans «Forest reserve»

 

Nous commençons par des amuses bouche en guise d’apéritif.  Il sera placé sur le signe du thon. Une bouché de thon version tataki, une autre aux graines de pavot et enfin en version tartinade de rillette sur un sablé salé.

 

Pour accompagner le tout, le serveur nous propose le nouvel ABERLOUR 10 ans FOREST RESERVE. Ce dernier se présente comme la nouvelle mouture du très connu 10 ans (vieillissement en fût de bourbon et de sherry) mais avec un finish en fût de chêne Limousin (cocorico !!). 

 

Cette nouvelle version a pour objectif de valider l’implication d’Aberlour dans l’écologie. En effet, si la distillerie ne se décide que maintenant de mettre en avant ce positionnement, il s’avère que cela fait longtemps qu’elle baigne dans le principe. En effet, comme bon nombre de ses consœurs, elle privilégie les circuits courts de production en faisant appel à des producteurs d’orges du speyside, distille avec l’eau qui coule dans sa cour, et recycle les déchets auprès de producteurs bovins de la région.

 

Qu’en est-il donc de ce distillat. Déjà il se pare d’une belle couleur cuivrée qui montre une partie de son vieillissement en fût de sherry. 

 

Coté nez, il convient assez largement au moins connaisseurs car il va s’avérer d’une approche simple. Le premier passage va détecter de suite des notes sucrées de fruits du verger (poire). Le second sera plus « forest » avec une pointe boisée sèche. Enfin au troisième passage on se retrouvera sur de beaux arômes de de vanille.

 

En bouche ses 40° n’agressent pas. Il est très abordable (c’est peut-être pour ça d’ailleurs qu’il fait partie des whiskies les plus vendus), avec des notes d’agrumes, de vanille et même une pointe d’épices. Par rapport à l’ancienne version il va peut-être être très légèrement plus âpres.

 

La finale est agréable sur des notes de fruits mais elle s’estompe assez rapidement.

 

Effectivement au regard de mets qui nous sont proposés, il s’accorde bien avec le thon qui revêt un caractère légèrement sucré. Le tataki va venir lui faire un peu plus ressortir la pointe d’épice. En revanche, sur la tartinade qu’il va laisser une très belle impression. Paradoxalement si la terrine n’apporte pas énormément, le sablé en revanche lui rehausse clairement de belle notes de cannelle et de de vanille. L’accord est presque parfait et fait presque oublier qu’on boit un whisky en mangeant !

 

Aberlour 12 ans

 

Le serveur revient à notre table et nous amène l’entrée. Elle va rester sur le poisson mais passe du rouge à l’orange : du saumon.      

 

Dans l’assiette nous avons de morceaux de saumon fumé, un pavé de saumon cru et une verrine avec des morceaux de saumon mélangés avec de l’avocat ; en parallèle se trouve trois plots de crème citronnée et des blinis.

 

Concernant l’accompagnement whisky, il va monter un peu en gamme (et surtout en âge) puisque désormais c’est un ABERLOUR 12 ans NON CHILL FILTERED  que l’on nous sert. 

 

Le liquide que se trouve désormais dans notre verre va s’avérer paradoxalement légèrement plus clair que le précédent. Il se pare néanmoins de beau reflets or mais qui eux vont plus tirer vers l’orange alors que son temps dans le sherry est plus long que le précédent (2 ans de plus). Là encore la version du 12 ans a été revue par la marque avec un embouteillage non filtré (ce qui n’était pas le cas dans la précédente version). De plus le côté « écolo » de la distillerie de Charleston of Aberlour va apparaître sur son tube en carton recyclé.

 

Si les deux ans ne se connaissent pas au niveau de la couleur, il n’en va pas de même au niveau de l’odeur. Quand le nez se pose dans le verre, il va découvrir un whisky bien charnu et sucré. On aurait pu croire à plus de fraicheur pour accompagner un saumon, nous verrons bien. Le nez va détecter clairement les arômes issus du fût de sherry (onctuosité, fruits bien mures). De plus le degré un peu plus fort va chauffer les cils. Au second passage paradoxalement il va se rafraichir et aller sur une odeur plus épicée. Enfin, le dernier passage va détecter la douceur du miel et de caramel.

 

En bouche, sans aliments il nous parle un peu plus que son prédécesseur. Il a beaucoup plus de goût. Il va d’abord s’avérer tendu avec les épices mais va ensuite s’arrondir en restant dans la bouche et devenir moelleux. On y détecte des notes charnues d’orange et de fruits rouges. Sur la fin, pour siffler la fin de la dégustation, il va se parer de notes à nouveau plus fraiches plus nature.

 

Quand il est descendu il laisse dans la gorges des notes fruitées mais également légèrement citronnées.

 

Effectivement il va bien se marier avec le saumon de notre plat. J’aurai peut-être une légère préférence pour le pavé qui ne masquera pas trop les fruits rouges de mon whisky (alors que le saumon fumé lui aurait tendance à le masquer). Une bonne surprise est créée quand on rajoute au saumon la crème citronnée. Là les arômes sont exacerbés et le whisky se développe clairement en bouche.     

 

Aberlour Casg Anahm

 

Après ces deux belles entrés en matière, nous allons passer au plats principale. En tout bon écossais en kilt qui se doit, notre serveur revient vers nous et ne nous propose pas un Haggis écossais mais un beau tajine de veau aux abricots secs. On va donc être sur un sucré salé. 

 

 

Pour l’accompagner, il va continuer sur la distillerie ABERLOUR avec un CASG ANNAHM (fût rare en gaélique !). Ce whisky, produit en petit batch va permettre de mesurer le travail du maître assembleur de la distillerie. En effet, il est mis en bouteille après avoir transité dans deux fûts de chêne américain et 1 fûts de sherry Oloroso. De fait on va nous proposer ici un whisky moins marqué sur les fruits rouges pour un plat clairement plus sucré (dans les autres propositions d’accord le whisky venait plus tirer les goûts du plat que l’inverse).

 

Quand est-il d’abord du breuvage ? Sa couleur ambrée ne reflète pas le vieillissement (majoritairement en fût de chêne américain rappelons le).

 

Son nez va être beaucoup plus porté sur les agrumes que les deux premiers ABERLOUR dégustés. Cette acidité est amplifiée par son taux d’alcool (48 %).  Au second passage, il va néanmoins s’arrondir et passer sur une odeur plus « chaude » de fruits rouges. La dernière plongée du nez finira par détecter quelques épices.

 

En bouche, sans aucun aliment, il s’avère plus sucré que ce à quoi on pourrait s’attendre. Il va faire ressortir un goût de pomme caramélisée dans laquelle on aurait planté des clous de girofles. Sucre et épices ? Je comprends ainsi pourquoi le restaurant c’est plus tourné vers un tajine (ceci dit un haggis aurait fait l’affaire !).

 

Une fois avalé, il va rester longuement dans la gorge en la tapissant de notes pâtissières (beurre, sucre, cannelle).

 

Concernant son accompagnement du plat proposé, il s’accorde mais n’est pas grandiose. Le tajine s’avère un peu trop sucré à mon goût et le whisky va juste amener un pointe d’acidité au plat.

 

Tormore 16 ans

 

Alors que les langues se délient (c’est la magie du whisky entre amateur) et que chacun fait part de son ressenti sur les plats et la situation socioculturelle du moment, le serveur (en kilt je vous rappelle) revient vers nous avec une bouteille de ….TORMORE ! Pas d’ABERLOUR ?? 

 

Notre hôte nous dit que l’explication est simple : la soirée n’est pas organisée par ABERLOUR, mais bien par l’empire PERNOD-RICARD (re-cocorico !). Empire notamment constituer de 6 des 15 plus grosses ventes de whisky au monde ! Après on ne parle là que de gros sous qui, s’ils facilitent le développement des sociétés productrice n’en enlève pas moins le travail sur les distillats.

 

 

Il en est ainsi du TORMORE (Torra Mhòir « grande colline » en Gaélique) produits par une distillerie située dans les montagnes du speyside à à peine ¼ d’heure d’ABERLOUR, connue pour produire des distillats fruités et délicats. Distillats limités car seulement au nombre de 2 (14 et 16 ans).

 

Qu’en est-il de celui proposé ce soir : TORMORE 16 ANS ?

 

Le liquide présent dans notre verre est d’une belle couleur or cuivrée produite par un élevage en fût de chêne américain.

 

Son odeur est sympathique mais pas exceptionnelle. Charnue du fait de son taux d’alcool (48 %) elle laisse entrevoir de beau arômes fruités et maltés. On peut détecter des odeurs d’abricot et de fruits mûrs. Au second passage les fruits laissent la place à la vanille. Ce whisky, assez linéaire au nez, n’en reste pas moins l’image de ce qu’on attend d’un whisky !

 

C’est en bouche qu’il se découvre un peu plus car il se montre chaud mais néanmoins doux. Si on le garde les 16 secondes recommandées, on va passer un beau moment de plénitude avec une certaine douceur fruitée. Son voyage fini par une note plus amère et épicée. C’est d’ailleurs cette note épicée qui restera assez longtemps en bouche amenant de la fraicheur à cette dégustation.

 

C’est à ce moment-là que notre homme en kilt refait son apparition avec une assiette de fromages : au programme de l’emmental mais surtout du chèvre, du bleue, et du camembert tous trois bien affinés et annonçant un moment de goût !  Discutant avec mes voisins de table, nous nous demandions comment associer ce TORMORE avec l’assiette : tant de plénitude face à tant de gout !! Pas certain que le tout s’accorde. 

 

Scapa Glansa

Tout à coup, mon voisin Tormund se lève en disant tout haut « mais on oublie les iles du nord ! Où est le SCAPA ?? »

 

Voilà la solution, passer sur un whisky ayant connu la tourbe !

 

Ce fut chose faite quand notre ami en kilt nous amène une grande bouteille allongée : un SCAPA GLANSA tout droit venu des iles Orkney tout au nord de l’Ecosse (petite digression au Speyside quand même !). Mais clairement quoi de mieux pour accompagner des fromages de goût qu’un whisky maritime aux arômes tourbés comme un ciel orageux (GLANSA en langue nordique).

 

 

Que l’on ne s’y trompe pas avec SCAPA d’une belle couleur d’or légèrement ambrée, nous ne sommes pas sur un vrai whisky tourbé, mais sur un whisky ayant été vieilli dans un refill de fût tourbé. Donc quelques années dans un fût de bourbon et ensuite passage par un fût (il se dit de Laphroaig) pour lui donner une pointe d’odeur de fumée.  

 

Et justement cette odeur de tourbe on la sent ?

 

Et bien oui, même si les premiers aromes qui entrent dans le nez sont plutôt fruités (avec des arômes de fruits bien murs), une légère odeur de fumée montre le bout de son nez. Désormais dans la tête (c’est souvent comme ça avec la tourbe, elle a du mal à sortir de l’esprit –parole de peatdream) au second passage on ne sent que ça mais sur une certaine fraicheur. Au troisième passage on peut détecter des arômes de vanille (des iles…du nord).

 

Et en bouche, ce whisky est moelleux avec de belle notes de poire bien mure et de caramel vanillé. La fumée est bien présente mais sans être trop agressive. Ce whisky est douceur et de manière assez surprenante est moins maritime qu’on pourrait le penser, bien qu’au final il laisse quelques notes de fraicheurs en bouche une fois avalé !

 

Et justement c’est ces notes qui vont bien s’appairer avec le fromage que l’on a dans l’assiette. Si l’emmental n’apporte pas de grand intérêt (hormis avec la petite confiture qui l’attend juste à coté) avec les 3 autres il va venir adoucir la donne sur le chèvre et le bleu et accompagner parfaitement le camembert.

 

Merci Tormund !

 

Aberlour A'Bunadh

 

Reste à mon sens désormais le meilleur : le dessert et surtout ce qui l’accompagne.

 

Notre ami en kilt nous amène une nouvelle mais dernière assiette avec un crumble aux pommes mais surtout verse dans nos verres, le beau liquide presque rouge d’un ABERLOUR A’BUNADH.

 

Pour ce qui suivent mes aventures depuis quelques temps, ils connaissent mon penchant pour ce petit distillat (cf ici ) !

 

Comme à son habitude il ne dépareille pas du lot ! quand notre serveur repart je me rends compte que je n’ai pas eu le temps de voir de quel batch il s’agissait.

 

 

Quand on parle d’un ABERLOUR A’BUNADH on ne parle pas de n’importe quoi ! Un vrai sherry bombe dans les règles de l’art (ce n’est pas pour rien si son nom signifie « à l’origine ». Un vrai whisky embouteillé sans chichi (souvent autour de 60 % de quoi déchausser les dents) et composé uniquement de distillat vieilli entre 8 et 15 ans en fût de Sherry Oloroso. 

 

Au nez il agresse de suite les cils. Pas d’entrée en matière, vous êtes avec un 60 % (sans aucun sexisme, pour reprendre Audiard, je dirai qu’il faut bien reconnaitre que c’est plutôt une boisson d’homme). Néanmoins, alors que la tête tourne, le nez va détecter la chaleur d’une fève de cacao juste torréfiée. Par la suite s’il vous reste du courage au second passage vous allez détecter des fruits rouges et des agrumes magnifiques. Sur la fin à un troisième passage le nez sera piqué par des épices et une pointe de cannelle.

 

Attention va falloir le goûter ! Accrochez-vous à la table ! il entre en bouche en fanfare bousculant tout sur le passage. De la force, des épices, du gingembre… En le gardant en bouche (si si c’est possible) les épices vont se dissiper pour laisser la place à de belles notes de fruits rouges et avant de l’avaler il va finir par vous dessécher la bouche (du fait peut-être d’une certaine astringence liée au vieillissement sherry), avec une seule envie…y retourner.

 

 

Aussi, une fois gouter notre crumble nous paraît quelque peu fade (même si il est très bon). Je ne sais pas vraiment si on peut associer quelque chose avec un ABERLOUR A’BUNADH (hormis du chocolat noir 85 % ou un gingembre confit), aussi je décide de profiter de mon crumble sans whisky (pour respecter le pâtissier) et garde mon whisky pour la toute fin du repas là où il me semble il a entièrement sa place.

 

Quelle belle soirée, mais malheureusement va falloir partir (il y a quand même un couvre feu).

 

 

Je n’en manque pas moins de remercier Fabien et toute l’équipe de la VIGNERY CERGY (@lavignerycergy) qui nous a concocté ce repas. Je n’hésiterai pas bien entendu de revenir au fin fonds de cette belle forêt du Vexin au O’BROTHER (nom d’emprunt puisque s’appelant l’AGORA  - @l'agoracergy-).

 

 

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