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MOON HARBOUR DOCK 1 CHATEAU RIEUSSEC

Et voilà c’est reparti pour le confinement. Même plus possible d’aller aux cèpes pour voir s’ils s’accompagnent bien de whisky tourbé (comme la semaine dernière) il faut repartir à bord de mon fidèle BRADPEAT sur les routes virtuelles.

 

Pour commencer je vais une nouvelle fois rester en France, car si les Scotchs sont incomparables, il faut quand même reconnaitre qu’il commence à y avoir de belles choses en France.

 

Aussi, mon nouveau voyage de confinement va m’amener aujourd’hui dans l’estuaire de la Gironde dans la nouvelle distillerie MOON HARBOUR à Bordeaux.

 

 

Avant d’aller vers la distillerie, ma route s’arrête à Bègles et ce n’est pas pour acheter une boite de cannelés, non c’est pour récupérer mon guide du jour. Son nom est connu car il avait déjà participé à une de mes dégustations chez Aberlour : SEBH. Mais aujourd’hui nous l’appellerons « Lapin ».

 

Nous partons donc avec « Lapin » (sommité économique locale spécialisée dans le développement des start-up de la région bordelaise et amateur de gastronomie et d’œnologie – NDLR-), en direction du nord de la ville sur les rives de la Garonne à la limite de son confluant avec la Dordogne juste à côté de la nouvelle Cité du Vin. 

 

 

Au bout d’une vingtaine de minutes à bord du combi à nous souvenir des faux plats de l’ile d’Islay que nous avons arpentée en vélo, nous arrivons dans une zone industrielle devant un bâtiment des plus singuliers. Une allure de blockhaus de la guerre mais très sensiblement plus encombrant dans le paysage ! Heureusement devant le bâtiment un panneau sur lequel est noté MOON HARBOUR me rassure.

 

« Lapin », au fait de toutes les spécificités économiques du coin, me dit que nous nous trouvons au beau milieu d’un ancienne base sous-marin allemande de la seconde guerre et que le bâtiment n’est autre qu’une ancienne citerne à gasoil ! Finir des fûts au gasoil !! spécial ! Mais là aussi, il me rassure en me disant que le bâtiment de 50 m de long n’est que l’armature béton qui entourait une cuve à gasoil depuis bien longtemps démantelée. Ouf ! 

 

 

En revanche, s’il n’y a plus aucune goûte ni odeur de carburant, la forme et la configuration du bâtiment (notamment son épaisseur) fait de lui un super « warehouse » qui pourrait faire des envieux. Quand je vous dis qu’il y a de bonnes choses en France !!

 

Donc voici le décor planté : dans un des paradis des amateurs de vin et pas loin du Cognac, d’irréductibles Girondins ont décidé de faire…du whisky.

 

Donc « Lapin » m’explique que c’est ici, depuis 2017, que deux amis Yves et Jean-Philippe ont décidé de relever le défi de la fabrication de single malt. Et qui dit single malt, dit 3 ans d’attente minimum ! 2017 + 3 ! Aussi je crois que nous sommes là, fin 2020 au bon moment !!! 

 

 

« Lapin » me dit que les deux associés, non contents d’avoir un lieu et certainement une source assez certaine de fûts (nous y reviendrons) voulaient ne laisser aucune chance au hasard et d’emblée produire un whisky digne de ce nom. Aussi, il m’explique que lorsque que l’on se promène sur le site il n’est pas rare de croiser un troisième partenaire devant lequel tout commun des mortels du whisky doit s’incliner. Il répond au nom très écossais de John McDougall ! Il ne vous dit rien (mécréants !!) ? Et bien en fait on va dire que sans lui pas de The Balvenie ou de Tormore dans le Speyside, pas de Springbank à Campbeltown, pas de Laphroig ou de Kilchoman sur Islay...j’en passe et des meilleurs. Un nom dans le métier depuis presque 50 ans.

 

Tout semble là pour faire un beau whisky !! faut goûter !

 

Pour la dégustation nous allons aller dans le bunker mais avant « lapin » me fait passer par les locaux où chauffent les deux allambics Stupfler (venant de Bègles -tiens tiens- ) pour distiller tout doucement mais en une seule passe de l’orge cultivée sur l’ile de Patiras (ile de l’estuaire de la Garonne en plein milieu de vignobles). Comme un pied de nez, c’est de l’orge qui pousse en plein milieu des vignes du Medoc mais sans leur faire de l’ombre. On joue donc dans le local.

 

 

En sortant du bâtiment de production on se trouve face à un étrange « algéco » comme accroché en à mi-hauteur du bunker ! Je dis à « lapin » que je ne pense pas qu’il soit là que pour afficher fièrement le nom de la distillerie (qui vient d’ailleurs de la forme en lune du port de Bordeaux –NDLR-) !

 

Effectivement, ce dernier me dit que comme les propriétaires voulaient faire du « encore plus » local, ils ont décidé de faire passer l’orge maltée (pour l’instant à Issoudun dans l’Indre mais bientôt en Charente Maritime) à l’épreuve de la fumée des algues du bassin d’Arcachon ! Il me dit que cet étrange bâtiment n’est autre que le fameux fumoir et a pour but de donner la signature maritime au whisky.

 

 

Que manque-t-il à la distillerie pour faire plus locale ? Le fûts bien entendu !

 

C’est pour cela que « lapin » me conduit enfin dans le fameux bunker où dorment paisiblement des fûts…de vin de Bordeaux bien entendu ! grands crus de Sauternes (Château Rieussec, Château Haut Bergeron), et de vin rouge (Château La Louvière, Château Pipeau) et bien d’autre qui attendent bien sagement dans leur silo.   

 

Nous y voilà, quel étrange cathédrale toute en longueur et en hauteur pas encore remplie mais qui ne demande que ça ! Des fûts de sauternais sur 8 étages y a de quoi faire ! 

 

 

Devant nous, une belle bouteille moderne (qui sera bientôt commercialisée, je vous rassure) toute en rondeur contenant le nouveau single malt (dans le vrai sens noble du terme). Elle contient un liquide à la couleur des plus atypiques. Je n’en ai pas vu souvent de cette couleur presque terra cota qui la différentie du reste de la gamme, déjà de belle teinte, mais beaucoup plus rouge.

 

Mais d’où lui vient-elle ? Et bien simplement de 27 mois en barrique de Sauternais suivis des 9 mois dans celle du grand cru classé du Château Rieussec.  

 

 

Concernant les fûts d’ailleurs, « Lapin » me dit qu’ils sont tous de la même taille (225 litres soit petits pour augmenter le contact Liquide-bois) et qu’ils sont utilisé bruts sans aucune chauffe ou autre brulage pour que les tanins du Sauternes se mélangent eux aussi au distillat (d’où une couleur particulière). 

 

Alors ce whisky 100 % bordelais ça donne quoi ?

 

Avant même de plonger franchement le nez dans le verre on sent déjà la sucrosité du Sauternes et déjà une pointe de poire.

 

Une fois bien plongé dedans, c’est une grande chaleur qui nous envahit. Elle est boisée et fruitée. Au second passage une pointe d’air marin accompagnée du piquant du poivre surprend le nez. Néanmoins, viens s’ajouter rapidement une belle odeur de poivre pochée. Quand le nez revient une troisième fois dans le verre, on découvre une odeur de raisin accompagnée d’une pointe de fumée qui vient rapporter des arômes terriens. Elle ressemble à de la tourbe mais beaucoup plus légère (peut-être les fameuses algues fumées ?).

 

Je trinque avec « Lapin » et me lance dans la dégustation.

 

L’attaque en bouche et très franche et charpentée avec un fort apport du fût de vin.  Il envahit la bouche de beaux fruits exotiques bien murs et d’une pointe d’amande. Au bout de quelques secondes on détecte la pointe d’âpreté du fût de vin mais également la douceur du miel. Sur la fin le sucre se transforme en épices sur la langue et annonce la fin de la dégustation.

 

Une fois avalée les arômes qui restent en bouche sont ceux du cuir mais aussi le tanin raisin mur.

 

 

 

Cette belle dégustation nous donne envie de goûter la version finie en fût de château la Louvière (commercialisée depuis cette semaine) plus douce et plus vanillée, ou encore celle finie en fût du Château Haut Bergeron (prévue comme cette que nous avons goûté ici pour décembre). Néanmoins, il nous faut repartir. Pour « Lapin » ce sera pour aller aider de nouvelles start-up et pour moi vers de nouvelles dégustations.

 

 

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Commentaires: 2
  • #1

    SEBH alias Lapin (dimanche, 08 novembre 2020 00:37)

    Bravo pour ton article ! Quel talent : reporter, historien, expert, romancier un peu aussi.
    Je kiff !

  • #2

    wanou (dimanche, 08 novembre 2020 11:13)

    Bisous au lapin ;)

    On aime tous les talents de conteur de notre lolo :)