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DISTILLERIE STAUNING - EL CLASICO & KAOS

 

Découvrir de nouvelles contrées et de nouveaux distillats, moi j’adore, alors quand il a été question de partir à la même latitude que l’Ecosse mais sur la rive Est de la Mer du Nord, au Danemark, moi je dis banco et je saute dans Brad Peat et pars à l’aventure.

 

Aujourd’hui elle va nous mener dans une distillerie qui n’est pas née d’hier (18 ans quand même), mais qui fait de plus en plus parler d’elle.

 

Découvrons STAUNING et goûtons deux de leurs références : KAOS et EL CLASICO.


 

La feuille de route que m’avait remise ARNAUD (@stauningwhisky_france) était des plus déconcertantes. Il m’indiquait d’aller sur les rives du Fjord Ringkobing au Danemark, dans le petit village de Stauning (jusque là à la rigueur pour découvrir une distillerie danoise ça paraît normal) ! Mais, sur place, il me disait de rechercher un certain Mogens Vesterby boucher de son état !

 

Rien de plus !

 

Moi qui pensais aller découvrir une distillerie, je me demandais si je n’allais pas plutôt aller voir comment on fabrique des Frikaddelers danoises.

 

Mais j’allais faire confiance à Arnaud et vous me connaissez, en faudrait-il beaucoup plus pour que je prenne mon taste vin de pèlerin de la tourbe et je saute dans mon van ? 

 

 

Direction donc le centre ouest du Danemark.

 

Je suis donc arrivé à proximité du magnifique petit village de Stauning avec ses maisons en briques rouges, son port, son moulin et son musée de l’aviation.

 

Au sud du village, je suis passé devant le panneau de la distillerie STAUNING, et dieu sait que ce n’était pas l’envie qui manquait de m’arrêter ! Mais la feuille de route me disait d’aller dans le village à la recherche de Mogens. Et c’est à proximité de la Stauning Kirke que j’ai enfin fait sa rencontre.

 

Bien entendu, une fois les présentations faîtes, je lui ai demandé pourquoi le rendez-vous était ici et non à la distillerie ? Il a ainsi commencé à me raconter l’histoire atypique et tellement sans pareil de la création du premier whisky Danois.

 

Il souhaiter m’amener dans la boucherie car c’est ici que tout avait commencé ! 

 

 

Une fois dans la petite pièce encore dans son jus et même encore prête à faire des boulettes, il m’a raconté que c’est ici, en 2005, que se trouve la genèse de Stauning.

 

En effet, avec ses amis professeur d’école, pilote, chef cuisinier, médecin et ingénieurs, tous amateurs de bonnes choses, ils ont eu l’idée folle de produire du whisky !

 

Le problème était alors que sur cette rive de la mer du nord, quand on avait une idée pareille (à l’inverse des voisins lointains d’Ecosse), on pouvait être pris pour des fous !

 

Pourtant le Danois n’est pas aussi fou que ça et à l’instar des cousins celtes, il dispose de céréales, d’eau, de bruyère et de tourbe !

 

Il n’en fallait pas plus pour que Mogens mette sa boucherie à disposition pour se lancer, avec ses 8 amis, dans l’aventure à moindre coût ! 

 

 

Ni une ni deux, le carrelage du sol de la chambre froide est devenu un mini air de maltage, le hachoir à viande est devenu un broyeur à orge, le fumoir à viande un kiln, et on a trouvé un peu de place pour caler un alambic ! Avec un peu d’ingéniosité ils avaient tous sous la main.

 

Mogen n’a pas voulu me dire si le premier distillat sorti en 2006 avait goût de viande !? On restera ici sur le mystère d’une légende nordique. 

 

Il m’a expliqué que, rapidement, la machine Stauning qui produisait « paisiblement » ses 400 litres de whisky par an, s’est emballée par un concours de circonstance (voulue ou pas mais là aussi on reste dans la légende scandinave). 

 

 

Il me raconte qu’un verre de new make du précieux liquide s’est retrouvé dans les mains d’un certain Jim Murray de passage dans la région (vous connaissez si vous appréciez le whisky ! Pour les autres on va résumer par « celui qui fait la pluie et le beau temps dans sa bible du whisky annuelle depuis les année 90 ! »).

 

Or, il se trouve que ce Jim-là a eu comme une révélation en goûtant cet élixir danois croyant un instant s’être envolé vers Islay avec ce liquide clairement de qualité (là aussi personne ne dit si c’est en lien avec un goût de viande !! 😊).

 

Le fait est que la nouvelle de la production d’un distillat de qualité au Danemark s’est embrasée comme une trainée de poudre. De curiosité locale, la notoriété a vite dépassé la région du Jutland et même les frontières du Danemark.

 

Aussi, dès 2007, il allait falloir envisager plus grand !

 

 

C’est donc ensuite vers une ferme au sud du village que je suis partis avec Mogens et désormais Hans Martin (le professeur d’école ancien de chez Ikea !) qui nous avait rejoint et avec qui j'allais poursuivre la visite.

 

Hans m'explique qu'ici, la production de Stauning était restés clairement artisanale, mais que, tels des vikings ayant envie de conquérir le monde, les amis avaient foi en leur production. Ils savaient également qu’ils avaient en main de quoi rejoindre la petite équipe des whiskies scandinaves reconnus (comme les voisins de Mackmyra en Suède).

 

Dans cette vieille bâtisse, l’aventure grandissante de Stauning s’est poursuivie. Les 9 associés, tel des pionniers du 18ème siècle, ont déplacé leurs petits alambics et bricolé un mash-tun qui ressemblait plus à une machine à laver qu’une cuve de fermentation.

 

La distillerie « à la ferme » avait tous ce qu’il fallait pour faire du whisky de A à Z.

 

De l’eau pure, de la tourbe, de la bruyère, de l’orge et du seigle fourni par un paysan voisin ! Les amis étaient même des pionniers en termes de circuit court et maitrisé (rappelons que nous sommes dans les année 2010 )!

 

De plus, Stauning disposait d’une aire de maltage au sol, de cuves de fermentation et d’alambics à repasse à chauffe à la flamme nue et produisant environ 100 000 litres de whisky ou du rye de qualité par an.

 

 

La ferme était beaucoup plus spacieuse, mais là encore devant le succès grandissant, elle est vite devenue trop petite, il fallait voir encore plus grand.

 

Nous sommes en 2016-2017 et les 9 associés vont voir plus grand. Accolée à la ferme, ils construisent une distillerie, digne de ce nom et à en faire pâlir les acteurs du whisky.

 

En 2018, c’est l’inauguration de la nouvelle distillerie faite d’acier et de verre, mélange de modernité et d’architecture locale ! Le défis était grand mais semble-t-il a été relevé. Garder la philosophie des premiers « stauneurs » en continuant de produire comme au début et sans dénaturer les jus, mais en plus grosse quantité pour répondre à la demande.

 

 

Hans m’a ainsi mené au travers des nombreux bâtiments de stockage abritant de nombreux fûts de chêne, de bourbon. J'ai également aperçu des fûts de Cognac et Calvados venus chez nous, de vermouth et même des fûts en bois de chêne japonais Mizunara. Mais je suis certain qu’il se cache encore d’autres pépites. 

 

 

Nous avons ensuite poursuivi la visite par un bâtiment assez singulier tout en longueur. Il abritait 4 couloirs séparés des murets et munis d’une espèce de bras de moissonneuse monté sur rail ! Au sol de l’orge paisiblement en train de germer !

 

Hans m’a expliqué que cet appareil était « endémique » et qu’il avait été inventé par les ingénieurs du groupe. Son rôle était « simple » (encore fallait-il y penser). Il permettait, sur toute la longueur des couloirs de retourner l’orge (ou le seigle) en le pulvérisant pour le faire germer ! Le principe initial de Stauning de faire germer ses céréales au sol était conservé mais en version XXL !

 

 

Dans le bâtiment suivant, j’ai découvert le séchoir de la distillerie, car en effet, si on malt sur place, on sèche également. Hans m’a expliqué que la distillerie utilise les ressources locales pour le faire. Du bois bien entendu, mais également de la tourbe (qui dans ses contrés nordiques est utilisable).

 

J’apprends au passage qu’une fois par an le séchage est réalisé en faisant bruler (et surtout fumer) de la bruyère venue des landes voisines ! 

 

 

Nous poursuivons par le 3ème bâtiment construit en 2018 et qui héberge les cuves de fermentation désormais plus conformes aux « us et coutumes » de la fabrication du whisky (et où la bière repose 4 jours avant de se faire chauffer).

 

 

Mais, comme il doit en avoir l’habitude, Hans ménageait son effet, en m’accompagnant vers le 4ème bâtiment, cœur de la distillerie : la salle des alambics !

 

Quand il a ouvert la porte, j’ai découvert une salle plus proche d’une cathédrale derrière ses parois de verre, que d’une simple salle de chauffe où se produit le miracle de la chimie!

 

Les associés avaient décidé ainsi d’élever l’outils industriel au niveau d’une œuvre architecturale. 

 

En effet, quitte à avoir un matériel à la hauteur des ambitions de la distillerie danoise, on avait vu ici assez grand et beau ! Pas moins de 24 alambics trapus alignés en train de se faire chauffer les fesses dodues à la flamme ! 

 

Voir grand sans dénaturer ce qui a fait le succès ! Hans et ses amis n’avaient pas hésité à planter un grand nombre d’alambics mais en conservant une taille raisonnable. Certes, ils étaient un peu plus gros que ceux des débuts mais ils étaient à taille humaine (au sens propre du terme) pour qu’il n’y ai pas de différence entre les distillats de la ferme et ceux de la « cathédrale » !

 

 

Un peu plus loin dans la salle, posé sur le spirit safe les deux bouteilles du jour.

 

En les prenant, Hans en profite pour me présenter la large gamme produite par la distillerie.

 

Il commence par me parler des expériences réalisées pour le grand plaisir de aventuriers du malt ! la gamme « Research » :

       - Le tout jeune « CURIOUS » ni plus ni moins que le « new make » de seigle. Tourbé et fumé à la bruyère à souhait et mis en bouteille à peine réduit directement à la sortie de l’alambic ! Attention distillats de viking !

       - Le « BASTARD » qui n’est autre que son petit frère de seigle mais qui a été envoyé pendant 3 ans en fût de Mezcal mexicain de la maison Oro de Oaxaca ;

     - Le « EL CLASICO » l’espagnol du lot, que nous allons goûter un peu plus bas, fini en fût de Vermouth espagnol.

 

Il me parle ensuit de la gamme standard, soumise actuellement à des soubresauts de design en manque de packaging :

     - Le STAUNING RYE fait à partir de seigle et d’orge tous deux maltés avec la curieuse machine et vieilli pendant 3 ou 4 ans dans des fûts de chêne neuf ;

       - Le STAUNING SMOKE né d’une orge locale, maltée au sol bien évidement, mais surtout fumée à la tourbe et à la bruyère ! Le distillat de 5 ou 6 ans mis en bouteille est un délicieux métissage de vieillissement en fûts de bourbon, de madère, de rhum de Jamaïque et de fûts de chêne vierge ! 

      - Le STAUNING KAOS (que nous allons goûter plus bas) qui est un doux mélange de whisky de seigle et de malt fumé.

 

 

Alors qu’il là débouche la première expression, il me raconte que la mise en bouteille s’apparente ici à un véritable moment de partage puisqu’une bonne partie des concitoyens y participent ! STAUNING est un vraie philosophie !

 

Mais trêves de bavardage, découvrons nos deux distillats.

 


DEGUSTATION DU STAUNING « EL CLASICO »

 

Hans commence donc cette dégustation par une expérience. Issue de la gamme RESEARCH (3ème du nom) qui permet aux créateurs de la distillerie de laisser libre court à leur imagination et de proposer des distillats complètement endémiques et uniques.

 

Celui d’EL CLASICO en est un bon exemple. Il est issue d’un mélange de seigle et d’orge vieilli en fût de chêne américain puis en ancien fût de vermouth espagnol.

 

La distillerie a joué ici la carte de la transparence car la bouteille laisse clairement entrevoir la couleur cuivrée marron du distillat.

 

Alors ce distillat est-il la bête gravée sur la bouteille par le tatoueur Thit Hansgaard (mi-taureau, mi-démon) ? 

 

 

Au nez, il va être de suite très fruité et chaud. On va détecter un mélange assez subtil de pommes mures et surtout d’oranges prêtes à lâcher leur jus. Il est d’apparence très sucrée et mari bien les deux ingrédients initiaux. L’orge amène la fraicheur dans le moelleux du seigle.

 

Au second passage, on va découvrir des épices douces qui chatouillent le nez et des notes plus boisées d’un fût grillé. On peut également détecter des note d’orge grillée.

 

Au troisième passage, les épices prennent de l’ampleur et sont désormais accompagnées de caramel cuit au feu.

 

Dans le creux de la main on va retrouver une certaine fraicheur mais surtout l’odeur des céréales.

 

Arnaud et Hans 

 

En bouche, il est très moelleux et sucré (presque un vin cuit) et chaud avec des notes de fruits rouges marquées. Mais rapidement, il va laisser apparaître des notes de bois qui se transforment rapidement en épices. Elles montent dans la bouche et s’y développent. Gardant des piques par ci par là, le distillat s’arrondi et devient plus mielleux. On pourrait presque détecter les notes fraiches du vermouth puis des notes plus boisées.

 

Il se calme avant de descendre dans la gorge. Mais c’est à ce moment-là qu’il va relâcher des notes légèrement amères et fraiches de l’anis presque mentholées rappelant le vermouth du fût de son finish. Ces notes restent assez longuement dans la gorge.

 

Le verre vide conserve des effluves orangées et boisées assez agréables.

 


DEGUSTATION DU STAUNING KAOS

 

Pour cette seconde dégustation mon hôte débouche une bouteille contenant un liquide à la couleur plus or et claire que le précédent.

 

Il me dit qu’il est issue d’un savant mélange d’orge maltée fumée et non fumée et de seigle malté (on peut ainsi s’attendre à un melting-pot de saveurs) ! Il me dit que les trois distillats assemblés, sont ensuite glissés pour partie dans des fûts de chêne américains vierges ayant subis les flammes de l’enfer et pour partie dans des fûts de bourbon Makers Mark de premier remplissage !

 

En me servant, Hans me raconte également l’origine de son curieux nom ! KAOS rend hommage à Thorvald Stauning (premier ministre du pays dans les années 30/40) qui avait dit que s’il n’était pas élu, le pays sombrerait dans le chaos (Kaos en Danois –NDLR-) et avait pour slogan électorale « Stauning ou le chaos (en danois "Stauning eller Kaos"). Pratique quand tout le monde s’appelle Stauning !!

 

 

Alors est-ce le chaos dans mon verre ?

 

Pas tant que ça, il montre même une certaine maitrise.

 

Au nez, il va être assez doux et sans violence avec des notes de fruits du verger et la fraicheur de poire mais surtout dès le début une tourbe assez présente (avec des effluves goudronnés qui arrivent peu à peu).

 

Au second passage, ce sont des épices poivrées qui prennent le dessus avec néanmoins un fond de feu de camp et d’orge grillé qui lui donne des airs camphrés.

 

Au troisième passage, on va détecter une odeur de caramel tapie derrière la fraicheur des épices.

 

Dans le creux de la main, l’odeur de tourbe est indéniable comme on l’aime. Une douce odeur de fumée au matin !

 

 

En bouche, il est assez doux et sucré en entrée avec de la pomme. Il se dynamise ensuite avec des épices et les notes fumées. Il reste néanmoins assez sucré sur ses notes de fruits du verger. On peut ensuite lui détecter des notes de réglisse et quelques pointes de noisette mais il garde tout au long de la dégustation ses notes épicées et fumées.

 

A la descente, il va relâcher un délicieux goût de pâte à tartiner au chocolat et à la noisette sur une durée moyenne.

 

Le verre vide garde les arômes d'une vieille ferme chauffée à la tourbe avec son fond d'orge et ses volutes de fumée.

 


 

Je comprends désormais que ces distillats si atypiques aient fait tourner la tête des plus grands. Je passe d'ailleurs sous silence les très nombreuses médailles glanées depuis la création de Stauning.

 

Il me faut malheureusement quitter mon hôte pour partir pour de nouvelles aventures tourbées. Mais je suis quand même allé goûter les mystérieuses boulettes danoise histoire de boucler la boucle !

 

Si vous souhaitez découvrir les différents distillats de STAUNING rendez-vous sur le site DUGAS CLUB EXPERT ou directement chez votre caviste...vous ne serez pas déçu et surtout vous serez dépaysés en les goûtant !

 

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