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DISTILLERIE OLD BUSHMILLS ET DEGUSTATION 21 ANS, 25 ANS et 30 ANS

 

Toute histoire qui se termine bien a une suite. Aussi, je vous propose de continuer celle que je vous avais conté à l’occasion de la dégustation du SEXTON sur la chaussée des Géants dans le comté d’Atrim en Irlande du Nord (à redécouvrir ici)

 

Je vous propose aujourd’hui de partir à la découverte (ou à la redécouverte car elle n’est pas née d’hier) de la distillerie OLD BUSHMILLS et surtout de la dégustation digne de celles que je vous propose dans mon fauteuil club au travers des trois pierres précieuses de la maison. Le Single Malt Irish Whiskey 21 ans, 25 ans et 30 ans !

 

Honorable non ??

 

 

Nous y revoilà, encore sous l’effet de la dégustation, in situ, du Sexton sur le Chaussée des Géants (qui a inspiré la forme de la bouteille –NDLR-) c’est en compagnie de celle qui, travaille à la distillerie depuis 2004 et est la maitresse des assemblage depuis 2012 :  ALEX THOMAS, que je remonte à bord de mon fidèle BRAD PEAT qui attend sagement devant un petit troupeau de vaches tranquillement en train de brouter au bord de la mer.

 

Alex me dit, serais-tu tenté de visiter la plus vieille distillerie du monde ?

 

Je n’ai même pas répondu, elle se doute de ma réponse, et nous sommes partis en direction de la distillerie à à peine 10 minutes de route.

 

 

Sur le chemin, Alex en profite pour me faire un rapide historique de cette maison pluriséculaire qui fait débat dans le monde du spiritueux à base de céréale : est-ce la première ?

1608 !? Est-on sur la première distillerie de « Uisce beatha » ?

 

Elle m’explique que la date qu’arborent fièrement les bouteilles de BUSHMILLS, ne correspond pas véritablement à la licence officielle de distiller, mais aux prémices de la production officielle de whiskey dans la région. Elle me dit d’ailleurs, que selon les histoires orales, c’est dès 1276, qu’un colon nommé Sir Robert Savage d'Ards fortifiait ses troupes avec « une puissante goutte d'aqua vitae » avant de partir au combat.

 

En réalité, c’est en 1784 qu’Hugh Anderson dépose la marque « THE OLD BUSHMILLS DISTILLERY » en reprenant une des 5 distilleries du village (en activité depuis au moins 1743) et se mit à produire du whisky « parlementaire » (officiel).

 

 

Cela fait beaucoup de date me suis-je dit : en résumé, 1276, on commence à distiller dans la région, 1608, on produit en plus grande quantité, 1743 la distillerie clandestine voit le jour et 1784, elle devient officiellement OLD BUSHMILLS ! Tout est clair !

 

Alex m’explique ensuite, qu’au milieu du 19ème siècle, c’est les taxes qui seraient à l’origine d’une des spécificités du whiskey irlandais actuel. En effet, l’orge maltée étant taxée par la couronne anglaise, de plus en plus de distilleries se sont mises à distiller de l’orge non malté (non taxé) et du maïs (également non taxé) afin de réduire l’emprise étatique (au détriment de la qualité). Le single pot still whiskey était né. Elle m’explique, cependant que la distillerie est restée bonne élève, a continué à payer les taxes et surtout à privilégier la qualité de ses produits en ne distillant que de l’orge maltée. 

 

Elle m’explique ensuite que l’histoire de OLD BUSHMILLS est passée par une catastrophe (en partie évitée) en 1885 avec l’incendie d’une bonne partie des locaux de la maison. Pour autant les parties épargnées ont permis de continuer à produire et surtout de développer à nouveau la distillerie. 

 

 

Aussi, en 1890, BUSHMILLS se développe et part à la conquête du monde. Il est mis à l’eau le Steamship SS BUSHMILLS destiné, les cales pleines de whiskey, à partir à la conquête des Etats-Unis et de l’Asie. Les amateurs qui prennent l’avion auront d’ailleurs l’occasion de croiser les séries BUSHMILLS STEAMCHIP COLLECTION (en version Bourbon, Sherry, Rum et Porto) qui rende hommage à cet évènement 125 ans après (et que je vous conseille).

 

 

Alex me raconte ensuite que lors de la construction de sa malterie, juste avant la première guerre mondiale, l’histoire de la distillerie a croisé celle de l’architecte à qui on doit les toits pagodes sur la plus grande partie des distilleries écossaises, M. DOIG. Et que croyez-vous qu’il arriva ? Et bien la nouvelle malterie, capable de sécher 200 tonnes d’orge, s’est retrouvé avec, deux toits pagode !!  

 

Alex de rajouter que la distillerie étant installée dans la région, elle avait déjà le « dos solide » et, avec à sa tête un certain Samuel Wilson Boyd, n’a pas eu « trop » de mal à faire face à la prohibition américaine des années 20/30. Elle a sagement conservé ses stocks pendant quelques années, pour ensuite couvrir le marché américain à partir de 1933 (une fois la loi abrogée).

 

Le propriétaire de Bushmills en a d’ailleurs profité pour se développer en rachetant une seconde distillerie du pays de Derry : Coleraine (qui pour l’anecdote était, à l’époque, la distillerie officielle du Parlement londonien). 

 

 

Alex poursuit en me disant que la seconde guerre mondiale a fait des ravages sur la production (transformant la distillerie en caserne) et sur le siège social à Belfast (pendant le Blitz). Pour autant la distillerie a poursuivi sa production d’irish single malt whiskey pendant de nombreuses années sous les ordres d’Isaax Wolfson (son nouveau propriétaire) avant d’être racheté par IRISH DISTILLERY LIMITED en 1972.

 

 

C’est en pétaradant que mon van rentre dans l’enceinte de la distillerie à la sortie du petit village de Bushmills (j’aime bien me faire remarquer quand j’arrive quelque part).

 

Nous nous approchons ensuite des bâtiments arborant fièrement un « OLD BUSHMILLS » DISTILLERY CO. LTD. » en grosses lettres blanche sur le toit. Nous contournons l’immeuble historique en brique noircies par le temps et peut-être l’incendie de 1885 et arrivons devant le kiln (et ses fameux toits pagode) !

 

Nous voici à OLD BUSHMILLS !

 

Alex, m’accompagne alors vers les bâtiments d’exploitation situés en dessous de ces fameux toits pagodes.

 

C’est au milieu des tuyaux et réservoirs et devant une ancienne cuve de fermentation en cuivre que commence la visite.

 

 

Elle se poursuit par la salle de brassage puis à la salle de fermentation où 10 washbacks en inox (depuis 1994) hébergent les levures en train de grignoter gentiment leur sucre.

La salle suivante est le cœur de la distillerie puisqu’elle abrite les 10 gros et hauts alambics (wash et spirit) de la maison, travaillant en trio comme le veut la coutume du whiskey irlandais.

 

 

Nous sortons ensuite du bâtiment pour rejoindre les locaux plus industriels de la distillerie (les 3 lignes de mise en bouteille qui encartonnent chacune 300 bouteilles à la minute !).

 

Mais avant de pénétrer dans le bâtiment, Alex est fière de mon montrer juste derrière à quelques mètres, les nouvelles installations de la BUSHMILLS CAUSEWAY DISTILLERY (sœur jumelle de la distillerie OLD BUSHMILLS née en 2023 et dont l’objectif est de doubler la production de whiskey maison de 5 à 11 millions de litres par an quand même !). Elle me dit que cette nouvelle distillerie respecte bien entendu les normes de durabilité écologiques actuelles (électricité verte, valorisation des déchets, compensation carbone...). De quoi être fière non ??

 

 

En entrant dans les salles « industrielles » de la distillerie, Alex me fait remarquer que depuis longtemps OLD BUSHMILLS privilégie les circuits courts en ayant sur place des ateliers de maintenance de fut et les lignes d’embouteillage. Chez BUSHMILLS, l’orge entre d’un côté et la bouteille sort de l’autre. C’est ce qu’on appelle un circuit court non ?

 

Je peux ensuite découvrir un aperçu des entrepôts de stockage de la distillerie (ou les fûts sont stockés soit droits soit couchés sur de petits niveaux), un hommage rendu aux deux maîtres tonnelier de la maison et une mise en situation expliquant la gloutonnerie des anges irlandais.  

 

 

Nous terminons la visite par un corridor ou Alex me présente une grande partie des whiskies de la maison :

  • Bushmills Original (White Bush 40 % de whisky de grain de Middleton et 60 % de malt de Bushmills)
  • Black Bush (le bien nommé composé de 80 % de malt et de 20 % de grains avec un passage en fût de sherry)
  • Bushmills Single Malt 10 ans (10 ans en fûts de bourbon et de sherry)
  • Bushmills Single Malt 16 ans d’âge (16 ans d’âge vieillis en fûts de bourbon et de sherry et finish 9 mois en porto)
  • Bushmills Single Malt 21 ans d’âge (que je vais avoir le plaisir de déguster pour vous juste en dessous).

 

Alex me mène enfin dans le confort de la table ronde du bar 1608 éclairé par des lustres bouteilles, au pied d’un ancien alambic en retraite et sous le portrait de Samuel Wilson Boyd.   

   

C’est ici d’ailleurs qu’elle me propose de faire la dégustation.

 


Dégustation BUSHMILLS 21 ans

 

Le premier BUSHMILLS que nous goutons sera aujourd’hui le 21 ans d’âge première pépite proposée par distillerie depuis 2001.

 

Elle m’explique qu’en bon Irish Single malt BUSHMILLS, il a été triplement distillé à partir d’un malt

100 % irlandais et avec l’eau ionique de St Columb's Rill qui coule juste à côté de la distillerie.  

 

Le résultat de cette distillation est ensuite glissé pendant 19 ans dans des fûts de sherry Oloroso et du bourbon, et ensuite longuement affinés (2 ans) en fûts de Madère. 

 

 

Le distillat que je trouve dans mon verre est d’une couleur ambrée légère avec des reflets plus marqués.

 

Au nez, il est onctueux et sucré. Il montre un mélange bien marqué, d’abord de pomme bien mures, puis de notes de fruits rouges sur un fond de vanille.

 

Au second passage la vanille est plus marquée et s’additionne de notes boisées de chène qui apporte une pointe de fraicheur.

 

Au troisième passage, on va trouver une odeur de moka et sur la durée une arrivée discrète d’épices (clou de girofle et poivre) qui viennent le dynamiser sur la fin.

 

 

En bouche, Il entre en douceur avant de se réveiller d’abord sur des épices, puis un gout de pomme verte. Par la suite la pomme se charge de soleil, devient plus sucrée avec quelques épices un temps en arrière-plan, le gout s’arrondi. Ensuite on va lui détecter des notes plus velours de bois et de bâton de cannelle. La fin de la dégustation se fait sur des notes mielleuses mais moins sucrées avec une pointe de notes de chêne brulé.

 

Quand il descend dans la gorge, il le fait sur du velours et sur de la mousse de cappuccino et des notes rancio. Sur la durée c’est plus de la réglisse qui reste à l’esprit.  

 

Le verre vide reste sur un mélange de notes boisées et d’orge.

 


Dégustation BUSHMILLS 25 ans

 

Alex est fière de me faire découvrir ceux qui à ce jour restent les plus vieux BUSHMILLS proposés.

 

Elle commence par le 25 ans qui bien entendu provient d’une orge malté 100 % irlandaise triplement distillée et qui a passé tout d’abord de 4 à 6 ans en fûts de xérès Oloroso et en fûts de bourbon (ce qui en fait un 4 ans d'âge dans les règles de l'art), avant d’être assemblé pour passer pas moins de 21 ans en fûts de Porto Rubis de premier remplissage. 

 

Le verre s’assombri avec la couleur acajou profond de ce distillat

 

Quand on le verse dans le verre, il dégage des arôme ronds et capiteux mélange de fruits rouge et de cire d’abeille. On dirait presque un rhum.

 

Aussi, le distillat étant déjà d’un âge assez honorable, le mieux et de le laisser se réveiller de sa torpeur de 25 ans et de laisser un peu le verre à l’air libre.

 

Une fois aéré, le nez reste complexe et intense.

 

Au premier passage il va dégager un mélange de fruits rouge intensément murs, d’épices marquée sur un fonds de bâton de réglisse.

 

Au second passage, il se charge de fèves de cacao torréfiées et de notes de bois brulé mais garde des épices bien présentes.

 

Au troisième passage les épices remontent encore au nez avec des notes d’agrumes (kumquat) qui rehaussent la chaleur ambiante.

 

 

On est assez loin de ce que l’on peut avoir l’habitude de découvrir avec un whiskey irlandais.

 

 

En bouche, il est marqué par un impression d’alcool plus présent et qui réveille le distillat (par rapport à la douceur du nez) et lui donne un air de vieux vin cuit certainement apporté par le fût de porto rubis. Il montre ensuite un mélange de notes boisées, de notes rancio elles liées au long passage en fût de bourbon et enfin de note de fruits rouge très mures liées au xérès. Il est épais et dense et devient mielleux sur la fin. Paradoxalement il montre des épices plus douce que le nez.

 

Sur la descente il a un final long porté sur des notes mentholées et fraiches.

 

Le verre vide est un mélange de vanille et d’épices et ensuite une douceur de massepain et une pointe de citron.

 


Dégustation BUSHMILLS 30 ans

 

Cerise sur le gâteau d’une sacrée visite de distillerie, Alex me présente pour finir un verre de BUSHMILLS 30 ANS (le plus vieux que propose la distillerie). Quel beau moment.

 

 

Elle m’explique que le vieillissement de ce whiskey qui a été distillé en 1992 a été fait en deux temps pour en optimiser la magnificence.  Tout d’abord 14 ans en fûts de xérès Oloroso et en fûts de bourbon, puis une fois assemblé 16 ans en fûts de premier remplissage de Pédro Ximénez. 

 

 

Passons au graal de BUSHMILLS.

 

Comme pour le 25 ans autant vous conseiller de laisser le liquide couleur clairement acajou foncé se réveiller dans votre verre. Cela vous permettra une nouvelle fois de savourer un whiskey qui n’a de whiskey que le nom.

 

Ce sera l’occasion de vous projeter en 1992 quand il a été distillé ! vous pourrez ainsi mesurer le temps de sommeil de ce distillat (qui occasionne un prix conséquent mais vraisemblablement cohérent avec le peu d’alcool laissé dans les fûts par les anges).

 

Digne des attentes d’un tel breuvage, le premier passage dans le verre va trouver un corne d’abondance de fruits rouges murs, de figues moles, de pruneaux et de dattes dodues. En restant dans le verre cette découverte passe par une montée en puissance des épices.

 

Au second passage, les épices continuent leur progression mais l’ambiance devient plus boisée et plus tendu comme si le distillat voulait montrer qu’à 30 ans on sait rester vert. Il vient se piquer de clous de girofle.

 

Le troisième passage sera positionné sur une odeur de caramel aux épices. Moelleux mêlé de vive tensions.

 

 

Fébrile d’imaginer qu’un breuvage de 30 ans d’âge finisse enfin sa course, goûtons !

 

C’est en bouche qu’il révèle encore plus sa nature. Il est doux et sucré en entrée sur les notes moelleuses de la corne d’abondance du nez. Fruits murs, fruits secs, fruits à coque tout y passe.

 

Il monte ensuite en puissance sur des notes d’agrume et un ajout de notes boisées rendues par le long passage en fût. Sur la fin c’est même un cocon moelleux et chaud dont on refuse de sortir. Du miel épicé un ressenti velours.

 

Mais il faut bien malheureusement.

 

Et c’est pour mieux découvrir une finale longue et fraiche sur la menthe et la réglisse.

 

Une seule envie retourner à la rencontre de ce jeune homme de 30 ans !!

 


 

Il est malheureusement venu l'heure de quitter, à regret, la maison OLD BUSHMILLS et de repartir vers de nouvelles aventures, et ayant qu'une seule envie, c'est de revenir dans les vertes terres d'Irlande du Nord pour vous faire découvrir de nouvelles dégustations.

 

 

  

Après l'avoir saluée Alex, je passe pour finir dans la salle à manger du patron et y découvre une belle collection de bouteilles historiques de la maison. 

 

A bientôt pour de nouvelles aventures maltées.

 

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