
C’était une journée ensoleillée dans le nord des Highlands ou le bleu du ciel faisait ressortir les cimes des montagnes jaunies par les ajoncs en fleur.
Mon fidèle Bradpeat, ronronnait sur les petites routes sinueuses à voie unique qui font le charme du pays. Je descendais doucement vers Tain, le berceau d’une légende : Glenmorangie.
Les paysages défilaient dans une majestueuse lenteur à une allure de senateur. Les montagnes, drapées de bruyères et de silence, semblaient veiller sur chaque virage. Au détour d’un vallon, un groupe de cerfs, fiers et tranquilles, broutait l’herbe humide d'un sous bois sous le ciel écossais. Leurs silhouettes imposantes, presque mystiques, me firent ralentir (encore plus), comme pour mieux imprégner chaque instant dans ma mémoire. Il y avait quelque chose de sacré dans cette terre.
EN plus, ce jour-là, j’allais avoir le privilège de goûter deux expressions emblématiques de haut vol : le 18 ANS THE INFINITA raffiné et velouté, et le mystérieux et intense SIGNET RESERVE un whisky audacieux né d’un malt torréfié aux accents de moka et enfin le rare EALANTA.

Après plusieurs heures de route, les contours de la distillerie Glenmorangie apparurent au loin, juste au bord du Dornoch Firth, comme une promesse liquide. Ce n’était pas qu’un bâtiment de pierre : c’était un temple. Et pourtant, ce qui m’accueillit en premier ne fut ni la tourbe (il n'y a en pas chez Glemorangie) ni le bois des fûts, mais… une girafe !!
Pas une vraie, bien sûr (la terre se réchauffe mais quand même !). Mais une girafe stylisée, élancée, presque surréaliste, trônait fièrement sur le site. Puis une autre. Et encore une. Partout, ces créatures fantastiques et colorées semblaient veiller sur les lieux. C’est là que j’appris qu’elles étaient un clin d’œil poétique aux alambics de la maison — les plus hauts d’Écosse — si hauts qu’ils rivalisent avec le cou d’une girafe.

La visite commença dans une atmosphère feutrée, entre tradition et modernité.
Ici, on distille depuis 1843 quand William Matheson, un ancien distillateur expérimenté, a acquis la ferme de Morangie et y a installé des alambics d’occasion provenant d’une ancienne distillerie de gin. Dès le début, William Matheson s’est distingué par son souci de produire un whisky à la fois délicat et complexe — une ambition toujours perceptible aujourd’hui dans le style floral et fruité de la maison.
Glenmorangie, c’est une histoire d’artisans, de savoir-faire transmis de génération en génération, et d’innovation maîtrisée. Depuis que LVMH a repris les rênes, la distillerie n’a rien perdu de son âme. Au contraire, elle s’est enrichie d’une vision contemporaine sans renier ses racines.

Avant même de découvrir la salle des alambics, on m’a conduit à la salle de fermentation, un espace vibrant et vivant où la levure accomplit sa métamorphose. Une cuve de brassage immense et 12 wash-backs débordants de fermentation, embaumaient l’air d’arômes sucrés et fruités.
C’est là, dans ce bouillonnement contrôlé, que le whisky prend ses premières couleurs, sa texture et déjà quelques notes aromatiques. La fermentation chez Glenmorangie dure plus longtemps que la moyenne : environ 52 heures — une durée qui permet aux esters fruités de se développer avec finesse. On y retrouve déjà ce qui fera la signature maison : de la fraîcheur, des notes de banane, d’ananas, de poire, et une certaine élégance.

Ensuite, direction la salle des alambics — une cathédrale de cuivre et de chaleur. Les fameux géants élancés permettent une distillation d’une légèreté remarquable.
Leurs longs cous de girafe de 5 m 15, filtrent les éléments les plus lourds, ne conservant que les arômes les plus fins.

Mais Glenmorangie ne s’arrête pas là. Tout près de là, une fois sorti de la torpeur de la salle des géants, presque comme une tour d’ivoire dans ce monde de tradition, s’élève The Lighthouse — une structure moderne dédiée à la recherche et au développement.
Imaginée comme un phare du whisky de demain, cette tour n’est pas qu’un bâtiment : c’est un manifeste. C’est là que Dr. Bill Lumsden et son équipe explorent les frontières du goût, testent de nouvelles levures, de nouveaux types de bois, de nouvelles fermentations, et même des distillations expérimentales avec ses deux alambics dédiés. Un laboratoire de créativité où l’on façonne les whiskies de demain, en respectant l’esprit Glenmorangie.

Avant de passer à la dégustation, un dernier arrêt s’imposait : le chais de vieillissement n°7.
Dès l’entrée, une odeur profonde de bois, d’alcool et d’air humide m’enveloppa. Le silence régnait ici comme dans une cathédrale destinée à laisser travailler le temps.
Glenmorangie utilise une grande variété de fûts pour affiner ses expressions : d’anciens fûts de bourbon en chêne blanc américain, soigneusement sélectionnés et souvent “first fill”, mais aussi des fûts ayant contenu du sherry oloroso, du porto, ou encore du sauternes pour certaines finitions particulièrement élégantes.

Ce qui frappe, c’est la discipline du rangement : ici, jamais plus de trois fûts superposés. Une contrainte volontaire, presque artisanale, qui permet une meilleure aération et une maturation plus homogène, en laissant le bois et le whisky dialoguer sans contrainte excessive.
Ce détail, presque invisible au premier regard, révèle une philosophie : celle de la patience, du respect des matériaux et du goût du travail bien fait.

Note de dégustation Glenmorangie 18 ANS THE INFINITA
Glenmorangie 18 ans The Infinita est vieilli en deux types de fûts soigneusement sélectionnés : Fûts de chêne américain ex-bourbon, qui confèrent les notes classiques de vanille, de crème pâtissière et de fruits mûrs et Fûts de sherry oloroso, utilisés ici avec subtilité pour apporter rondeur, profondeur et une touche de fruits secs et d’épices.
L’assemblage de ses deux vieillissements, visant un équilibre entre douceur florale et opulence boisée, lui donne une couleur or profond, presque miel, avec des reflets ambrés.

👃 Au premier passage le nez découvre des notes florales et délicates, sur des notes de fleur d’oranger et de miel de bruyère (dont la couleur fleurie les highlands) mais également une pointe de fraicheur.
Au second passage surgissent ensuite des arômes plus riches et denses d'abricot sec, de zeste de mandarine amenant des notes douces d'agrumes sur une pointe de noix de muscade et chaleur augmentant de chêne grillé.
Le troisième passage continue la montée en chaleur du distillat avec une touche beurrée, presque brioche chaude.

👅La bouche est onctueuse et soyeuse.
L’attaque est douce mais expressive sur des fruits jaunes mûrs (pêche, mangue), suivis d’une belle texture crémeuse, légèrement tendue boisée.
Le sherry apporte des notes de datte, de figue séchée, et une trace discrète de cacao amer qui amène une légère acidité maîtrisée équilibre le sucre naturel du malt.
👄La finale est très longue, progressive, évolutive.
Elle démarre sur des notes de vanille puis de bois toasté, puis glisse lentement vers des souvenirs d’écorce d’orange et de miel d’acacia. La bouche reste fraîche.
🥃Le verre vide reste cerné d'odeur d'agrume et de foin sur un fond de chocolat.
Note de dégustation Glenmorangie SIGNET RESERVE
Comme à l’approche d’une œuvre d’alchimie, le SIGNET RESERVE propose (comme son grand frère) une composition rare et unique. Il est né d’une des innovations de Dr. Bill Lumsden , le maître distillateur de Glenmorangie, en 2008 et d’une idée révolutionnaire : intégrer dans l’assemblage un malt spécialement torréfié à haute température, à la manière du café.
Le résultat ? Un whisky à la couleur ambre profond aux reflets cuivrés, presque chocolatés. Il est même plus sombre que son prédécesseur.

Le SIGNET RESERVE reste un assemblage de malt torréfié dit “chocolate malt”, distillé une seule fois par an, dans les mythiques alambics girafes, et vieilli dans une combinaison complexe de fûts de chêne américain neuf, de fûts de bourbon et de fûts de sherry Pedro Ximenes — certains contenant des distillats très anciens.
Aucune mention d’âge sur l’étiquette, mais l’on sait que certains composants ont plus de 30 ans. Ce vieillissement exceptionnel, associé à un style de malt rare, confère au Signet une profondeur aromatique inédite dans le monde du scotch et surtout en fait un produit rare.

👃 Le premier passage dans le verre révèle un nez opulent, moelleux, chaud et très expressif.
On y retrouve des notes de café torréfié, de cacao noir, de moka, mais aussi de zeste d’orange confite débordant d'un pain d’épices.
Au second passage les arôme grillés poursuivent leur apparition avec de la noix grillée, et une touche de bois d'acajou. On se love dans une chaleur certaines.
Au troisième passage, le voyage chaleureux continue sur des notes de crème brûlée et de toffee au beurre salé.
Un véritable dessert.

👅 La texture de la bouche est somptueuse et moelleuse, Veloutée, presque liquoreuse.
Le malt chocolaté explose en bouche avec des notes de ganache, de chocolat noir, de café espresso.
Arrive une complexité chaleureuse et légèrement épicée : cannelle, poivre doux, réglisse, tabac blond.
L’équilibre est magistral entre la richesse sucrée et la profondeur boisée.
👄La finale est exceptionnellement longue, elle persiste sur des notes de café froid, de caramel fondu, et une très légère amertume noble qui rappelle les grains de cacao. Une finale qui semble ne jamais vraiment s’éteindre.
Le distillat laisse en bouche des notes velours
🤚🏼A l'instar d'un whisky tourbé, je me laisse tenter par le test de la paume de la main. J'y découvre des notes de foin brulé et de tabac froid.
🥃Le verre vide est paradoxalement discret sur des notes de chocolat légères.

Note de dégustation Glenmorangie EALANTA
Ealanta signifie « habile » ou « ingénieux » en gaélique écossais, un clin d’œil à l’approche novatrice de Glenmorangie dans l’art de la maturation.
Conçue par le Dr Bill Lumsden, directeur de la création chez Glenmorangie, cette édition explore l’influence profonde du chêne neuf américain non carbonisé, un type de fût rarement utilisé pour des vieillissements aussi longs dans le monde du scotch.

Le whisky EALANTA a été vieilli 19 ans intégralement dans des fûts de chêne blanc américain vierge (non utilisés auparavant pour bourbon).
Le bois provient de la forêt nationale Mark Twain dans le Missouri, et les fûts ont été soigneusement toastés plutôt que fortement brûlés (charred), ce qui maximise les interactions entre l’alcool et les tanins du bois.
Ce type de maturation, plus typique du bourbon, est sensée donner un profil aromatique doux, crémeux, presque pâtissier, tout en mettant en avant la complexité du chêne neuf et lui confère une robe or brillant aux reflets cuivrés très légers.

👃Le premier nez de ce distillat est assez vif et éclatant. On y retrouve des arômes sucrés de poires et de nectarines. Le tout rehausser de la légère acidité d'un citron et la tension du chêne frais qui lui donne un certain dynamisme.
Au second passage on trouvera des notes moelleuses de miel chaud mais là encore renforcées d'une touche de gingembre râpé.
Au troisième passage on découvre des notes plus florales : mélange de jasmin et d'ajoncs en pleine fleuraison qui lui donne des airs printaniers et rayonnant, comme une promenade au soleil au cœur d’une forêt des highland.

👅 En bouche sa texture est souple et soyeuse.
L’attaque est fruitée (abricot, figue, pomme cuite), puis viennent rapidement des notes plus épicées (cannelle douce, clou de girofle léger) qui viennent chatouiller la langue.
Ensuite ce sont des notes boisées et toastées qui enrobent la bouche : amande, vanille, chêne.
La bouche est enveloppante sans jamais devenir pesante.
👄La finale est longue, délicatement boisée. Elle a des notes persistantes de pâtisserie dans la bouche et plus boisées et agrumes dans la gorge.
On peut même lui trouver une rétro olfaction d'anis.
Je quittai la distillerie en fin d’après-midi, le cœur un peu plus chaud que l’air frais du dehors, avec une bouteille précieusement emballée et des souvenirs vibrants d’arômes et de cuivre. Je n'avais certes pas croisé Harrison Ford (super ambassadeur de luxe de la marque) mais j'avais un instant fleurté avec ce qui fait l'histoire et la richesse des whiskies écossais.
Le soleil se couchait doucement sur le Firth, et alors que je remontais à bord de Bradpeat, une dernière girafe stylisée me salua dans le rétroviseur. Un clin d’œil à ce moment suspendu, entre nature brute, génie humain et poésie écossaise.

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