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CAOL ILA 30 ANS 1988 56,5 °

C’est par un matin brouillardeux que notre hôte, Nigel, nous a donné rendez-vous sur la côte est de l’ile d’Islay. Il nous a dit de venir au moment où le jour se lève pour nous faire goûter un whisky d’exception.

 

A proximité de Port Askaig, nous arrivons à vélo à travers champs tous excités de l’expérience qui nous attend. Alors que nous descendons de la colline, nous réveillons un faisan paisiblement tapis sous un fourré. C’est une route sinueuse qui nous conduit désormais au ras de l’eau devant les portes de la distillerie CAOL ILA encore endormie.

 

Nigel est là nous attendant de pied ferme avec une bouteille…vide !! Face à nous, le brouillard nous empêche de voir l’ile de Jura pourtant juste en face de nous de l’autre côté du Sound of Islay (Caol Ila en gaélique –NDR-).  

 

Nous laissons derrière nous le bâtiment abritant les 6 alambics produisant les doux breuvages de la marque. Nigel nous dit de le suivre jusqu’au wharehouse.

 

 

La porte s’ouvre devant un bâtiment encore plongé dans le noir et le froid d’une nuit écossaise. Il nous amène devant des fûts de chêne américain noircis par le temps et le travail des anges.

 

Arrivé devant l’un d’eux nous voyons noté dessus 1988 ! Notre cœur s’emballe, non !! 30 ans ?? Notre hôte prend le taste vin et fait sortir du fût un liquide couleur miel-or qu’il transfère dans la bouteille qu’il avait amené à cet effet. Nous voilà rassuré mais la torpeur reprend quand il y met un bouchon ! Voyant nos yeux, il nous dit avec son accent écossais : « Cha deoch sinn an uisge-beatha seo an seo anns an dorchadas » (On ne va quand même pas boire ce whisky ici dans le noir –NDR-) !

 

Nous voilà rassuré.

 

 

 

C’est donc dehors que nous retournons alors que le brouillard semble essayer de se lever. Il nous installe au bout du ponton les pieds dans le vide au-dessus de l’eau et rempli nos verres de ce qui devrait être un beau whisky tourbé.

 

 

Quand on plonge le nez dans le verre, comme on pouvait s’y attendre compte tenu de son âge, ce n’est pas la tourbe qui arrive en premier mais plus des notes fraiches et légèrement acide. Néanmoins au second passage la tourbe et ses arômes de fumée fait son apparition. Comme tout bon Caol Ila elle est douce et assez ronde. Alors que cette tourbe reste bien tenace dans le nez, elle laisse néanmoins entrevoir quelques notes salines mélangées à des saveurs sucrées.

 

Ca y est les éclaircies percent enfin le brouillard. La brume se lève enfin comme pour nous donner le signal du départ ! Goutons voir !  Mais attention, Nigel nous rappelle qu’il sort juste du fût et titre quand même 56,5°.

 

Le liquide est moelleux et sirupeux. Au moment où il explose en bouche, le Clansman, partant poser des filets, passe au large dans le bras de mer et fait résonner sa corne de brume comme pour appuyer la force de ce whisky !

 

La tourbe envahi notre bouche et notre esprit. Elle amène avec elle des goûts frais, presque médicinaux. Une dégustation digne de ce nom voudrait que l’on garde le liquide 1 seconde par année de vieillissement. Tentons l’expérience et faisons le tourner dans notre bouche. Au début tout se passe bien quand surgissent des notes salines. Ensuite, la salive aidant ce sont de notes plus sucrées de pommes et vanilles qui apparaissent. Pourtant le palais commence à souffrir sous l’effet de l’alcool, nous obligeant à faire descendre le liquide sur la langue amenant avec lui des notes épicées et même poivrées. Les 30 secondes ne s’égrènent pas aussi vite qu’on pourrait le souhaiter et le supplice de l’alcool et de tourbe l’emporte nous obligeant à avaler le liquide.

A l’instar des deux sommets de l’ile de Jura encore plongés dans la brume face à nous, notre esprit se brouille au moment où de longues notes fumées, maltées et même salées réapparaissent dans notre bouche.

Plus personne ne parle autour de nous savourant ce moment de quiétude et de bonheur. A coté de nous lissant sa moustache l'air fier de lui, Nigel nous fait un clin d'oeil et nous dit :"tha e math le càit a bheil e a 'dol?" (Ca fait du bien par où ca passe non ? –NDR-).

   

 

C'est à ce moment-là que le soleil gagne définitivement la partie et que le ciel se pare d'un bleu turquoise.

 

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