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PORT CHARLOTTE PC10 vs MRC:01

Le message sur le bout de papier floqué d’un « B » majuscule entouré des mots « PROGRESSIVE HEBRIDEAN DISTILLERS » était clair. Nous avions rendez-vous à Port Charlotte le soir à 18 h, à l’heure où le soleil commence en rougir sur Machir Bay derrière les montagnes et que la baie de l’ile d’Islay se pare des reflets de feu.

 

Nous nous sommes donc diriger vers l’est en direction du village de Bruichladdich. Notre déception fût grande quand, une fois sur place, face aux tonneaux bleus turquoise floqués des lettres du nom de la distillerie, nous avons trouvé porte closes ! Néanmoins, un second message était agrafé sur la porte. Il nous indiquait de passer notre chemin et de continuer notre route sur 2 miles en direction du village suivant : Port Charlotte.

 

Arrivé sur place toujours rien de spécial, l’hôtel du nom de la ville, n’avait pas encore lancé sa soirée musicale et le village du bord de mer était très calme. Nous avons donc poursuivi notre chemin jusqu’à tomber sur homme posté sur les rochers face à la baie.

 

A ses pieds deux bouteilles vertes reconnaissables parmi les autres ! Nous touchions au but ! Sean était là, toujours aussi classe avec son costume en tweed et ses derbys blanche et marron. Il regardait en contre-bas sur la petite plage de sable, 3 phoques en train de se reposer.

 

Il nous a regardé et sachant que nous étions français nous a proposé de nous faire goûter ce que la distillerie réalisait avec des fûts de vin bordelais. Les deux distillats qu’il souhaitait nous faire tester ce soir étaient le bien connu (et reconnu) PC 10 et le tout nouveau MRC : 01 ! Encore une belle soirée en perspective, mais un choix certainement cornélien s’il devait être fait, avec ces deux whiskies annoncés avec le même niveau de tourbe (40 PPM) et toujours élaborés à partir d’orge de l’Inversnesschire.

Nous avons ainsi commencé par la référence des lieux : le PORT CHARLOTTE PC10.  

 

En versant dans nos verres un liquide or jaune prononcé il évoqua son élevage. Nous étions en présence d’un distillat vieux de 10 ans, élevé, pour la plus grande partie, en fûts de chênes américains ayant déjà contenu du bourbon et, pour une partie plus limitée, en des fûts de chêne français ayant contenu du vin.  Une référence en terme de whisky tourbée.

 

Sean nous proposa de s’imprégner des lieux afin de réaliser une dégustation optimale. Regardant les 3 phoques paisiblement posés, nous nous sommes ainsi empli les poumons de l’air marin avant de découvrir les arômes proposés. Plongé dans le verre, notre nez fût, tout d’abord, envahi de fumée mais très subtilement. Comme si l’air marin avait calmé le feu de cheminée. Les odeurs de tourbe brulée étaient douces. Assez rapidement, elles ont laissé place à des arômes plus sucrés, caramélisés et vanillées très agréables. Après avoir repris un coup d’air marin, notre nez découvrit des odeurs plus proches des agrumes avec une pointe d’amertume qui apportaient à ce whisky une certaine fraicheur.   

 

En bouche ce whisky nous laissa penser à un gâteau caramélisé cuit au feu de bois. Une fois passée la puissance de ses 50 ° d’alcool, il nous mit en bouche un gout de fumée, une douceur de sucre et de crème de vanille. Gardé 10 secondes en bouche (comme il se doit d’être d’un 10 ans d’âge –NDLR-), il laissa apparaitre des arômes un peu plus marins mais toujours enroulés dans un nuage de fumée.  

 

Au fil des dégustations de ce PC10, il resta en bouche une belle fumée (c’est indéniable mais on ne s’attendait pas à autre chose avec un Port Charlotte), mais aussi la douce impression d’avoir dégusté une tarte tatin au caramel au beurre salé. La référence était à la hauteur.

La distillerie BRUICHLADDICH était fidèle à sa réputation : Douceur et subtilité. Mais qu’en était de ses expériences ? Nous n’allions pas tarder à le découvrir.

 

Alors que Shean versait désormais dans nos verres un liquide beaucoup plus orange-rouge foncé (même annoncé comme terracotta par la marque–NDLR-), il nous proposa tout d’abord de nous rincer la gorge enfumée avec un grand verre d’eau (d’Islay bien entendu) pour accueillir au mieux cette nouveauté.

 

Le Port Charlotte MRC :01 que nous propose Shean sortait un peu des sentiers battus de la distillerie. Il était moins vieux que le précédent (7 ans contre 10 ans pour le PC10 –logique-) et avait été conçu avec une finition différente : tout d’abord, il était composé pour moitié de liquide vieillis en fûts de bourbon et pour moitié vieilli en fût de vin français pendant 6 ans. Mais une fois assemblé, il avait été plongé et conservé (et c’est là qu’était la nouveauté) dans des fûts de grand cru bordelais (que la distillerie garde secret mais qu’on pourrait imaginer correspondre à l’équivalent d’un élevage ovin d’une très grande famille française J –NDLR-) pendant un an pour le choquer aux tanins !

 

Résultat un liquide beaucoup plus rouge et des arômes vraiment différents.

 

Shean nous mit en garde. Le whisky que nous allions déguster titrait à 59,2 ° (il sortait juste du fût). Effectivement notre nez fût envahi par la force du liquide, mais également par de forts arômes de fruits rouges. Rapidement les choses se remirent en ordre de marche et ce furent les odeurs de fumée, de tourbe et de gâteaux aux pommes caramélisées qui reprirent le dessus. Néanmoins, à chaque fois que le nez replongeait dans le verre c’est le même effet qui se produisait avec le retour des fruits rouges puis tourbe ! Le tout amenant à chaque fois une certaine fraicheur. Belle surprise car nous étions plus habitués à découvrir la tourbe en premier.

 

Alors que l’air marin du début de soirée commençait à se rafraichir, le whisky que nous dégustions, avec ses 59,2 ° nous réchauffa tout de suite le corps. En bouche ce fût l’explosion de saveur entre la tourbe, l’air marin, les fruits rouges, le bois vert brulé, la fraicheur. Gardé en bouche il ressortit des arômes plus sucrés qu’au début mais également ceux des tannin provenant des fûts de Bordeaux. Les arômes bien que nombreux se liaient entre eux.

 

Il subsista de cette dégustation une douce fumée sucrée et moelleuse comme souvent avec un Port Charlotte, mais à laquelle vint s’adjoindre une légère âpreté liée aux tannins des fûts bordelais. Qu’on se rassure ici, la finale définitive resta sur la tourbe.

Alors que la nuit tombait désormais sur la baie, que les phoques avaient tirés leurs révérences et que la musique commençait à se faire entendre depuis le Port Charlotte Hôtel, c’est l’esprit réchauffé que nous sommes séparé avec des fruits et de la fumée plein la tête.  

 

Un choix entre les deux distillats nous parait bien difficile. Les puristes diront que le PC 10 correspond plus à ce qu’on attend en venant sur un Port Charlotte. Néanmoins, on peut considérer que la puissance des fruits rouges donne un attrait très intéressant au MRC : 01.

 

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