Tout bon passage à Galway ne peut se concevoir sans faire un tour dans High Street au Freeney’s bar.
C’est ici dans un des temples du whiskey que se découvrent les nouveautés. Alors vous pensez bien que j'y ai fait un tour. C’est là que mon histoire commence.
Au bar, en me servant une Guinness (accueil irlandais oblige), la barmaid me tend un mot signé Richard. Il me donnait rendez-vous à Oughterard (20 km de là) le lendemain à l’aube pour voir le lever du soleil à bord du Wild Atlantic Bus sur les berges du Lough Corrib et déguster un whiskey d’exception. Quel mystérieux mais beau programme ! Mais avant ça il me fallait passer la soirée dans la chaude ambiance des vieilles rues médiévales de Galway.
Je me suis ainsi retrouvé avant l’aube, dans un brouillard comme on en voit tomber que dans le Connemara, devant le Power’s Thatch Pub de Oughterard (et son mur orné d’une magnifique truite saumonée) encore endormi.
Je n’étais plus être très loin. Le mot indiquait qu’il fallait quitter la grande route et prendre en direction du Lough.
Je me suis donc engagé dans le brouillard sur cette route sinueuse et suis arrivé au bout de quelques minutes à proximité d’un guai au bord du lough. C’est à ce moment-là que je vis apparaître dans la brume le bus à impérial vert en train de prendre sa retraite bien méritée. Il était comme planté dans le pâturage et sur son fronton on pouvait lire "Wild Atlantic Bus". J’y étais. Ses fenêtres laissaient apparaître de la lueur et un aménagement tout confort loin de celui qui l’avait jadis équipé. Pour autant, un rapide coup d’œil me permis de voir qu’il était vide.
Un peu plus loin, après une cabine de douche extérieure qui semblait être faite pour les braves sous de telle latitudes, j'aperçu la lueur d'un brasero.
C'est en m'en rapprochant que je trouvais enfin mon homme. Richard, prioritaire des lieux, toujours flanqué de sa casquette. Comme à son habitude, il était tout sourire malgré l'heure matinale. Sur le brasero des saucisses, du bacon et des rondelles de boudin noir : un vrai « Irish Breakfast » digne de ce nom. Le temps de se saluer, il fallait passer aux choses sérieuses pour profiter au maximum du lever du soleil.
Comme souvent dans le Connemara le temps était en train de changé et le brouillard commençait à se dissiper. Aussi, cette session de dégustation semblait s’annoncer sous de bons auspices.
Richard se leva alors et me demanda de l’accompagner vers un arbre creux juste à côté du bus. Il plongea son bras dans le tronc de ce dernier comme pour en sortir une bonne vieille bouteille de poteen locale mais en extrait une bouteille de whiskey à l’étiquette jaune. Il me dit: "je vais te faire goûter meilleur Irish whiskey de 2019". Il avait dans les mains une bouteille d’IRISHMAN 17 ANS SINGLE CASK !
Nous sommes retournés au bord de l’eau nous poser sur un gros tronc. Le moment était presque venu.
Richard servi les verres. Il y coula un liquide d’une couleur or très foncée, presque marron (assez peu commune pour un Irish whiskey!).
Nous avons tranquillement laissé faire le temps et ce whiskey s'ouvrir dans le verre et relâcher les aromes emmagasinés depuis 17 ans. Richard en profita pour me le présenter. Il s'agissait d'un IRISHMAN produit par la famille WALSH à seulement emboutillé à 600 exemplaires (1 seul fût gros butt).
Comme la plupart des whiskeys, il avait triplement distillé (en 1999) mais selon une recette du 19ème siècle et surtout intégralement vieilli en fût de Xérès (sherry butt), ce qui faisait de ce liquide une véritable « Irish Sherry Bomb » (je vais déposer le nom tiens !).
Le brouillard était désormais levé (en attendant qu’il ne revienne ! on était quand même dans le Connemara) et on pouvait commencer à apercevoir la lueur du soleil qui léchaient la tour du Château d’Aughnanure sur l’autre rive.
Avant de déguster ce beau whiskey, éprouvés que nous étions tous les deux par certaines épreuves de la vie, nous avons largement philosophé sur son sens et sur la nécessité d’en profiter au maximum. L’importance de la famille et des amis. L’importance du moment présent (Richard m’a fait part d’une mystérieuse histoire de personnes faisant l’amour lors d’un saut en parachute !!?? NDLR), du plaisir des voyages… De quoi nous mettre dans les meilleures conditions pour notre aventure de dégustation.
L’heure était venue alors que les rayons du soleil caressaient désormais l’eau du lough.
Quand le nez plonge dans le verre, il s’éloigne des standards irlandais car les premières notes qui apparaissent sont assez largement influencées par le xéres.
Bien entendu la première impression tient à la puissance du liquide (56 % quand même pour ce cask strength). Après adaptation du nez ce ne sont pas les agrumes comme on a l’habitudes d’avoir mais plus les sucres de fruits secs ou de fruits exotiques qui font leur apparition. Ce whiskey laisse ressortir autant de chaleur que le fonds de l’air est frais ce matin. Au second passage on retrouve malgré tout de même des agrumes mais comme grillé ou confits. L’ambiance globale est très sucrée.
En bouche on est assez surpris par le caractère franc et boisé de ce whiskey. Néanmoins, il mérite d’être conservé en bouche pour développer les arômes fruités ressentis au nez. Au fil de la balade dans la bouche on passe par le moelleux des agrumes confits, des raisins secs, de la cannelle. Un petit plaisir qui valide complètement le laurier de meilleur whiskey de l’année.
La longue finale est elle aussi tout à fait atypique pour un whiskey, car elle est moelleuse et épicées. On pourrait même ressentir un peu d’âpreté boisée, mais elle reste très limitée.
C’est désormais sous un soleil radieux (qui tendait à faire encore plus s’assombrir la couleur du liquide) et devant les eaux brillantes du lough Corrib, que nous avons passé une belle matinée dans le Connemara à côté du Wild Atlantic Bus de Sir Richard.
Au loin dans le lac on put apercevoir un gros saumon moucher et retomber dans les eaux froides.
Une belle matinée irlandaise.
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