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ISLE OF RAASAY SINGLE MALT BATCH 1 et NA SIA

 

J’adore les nouvelles distilleries, et aujourd’hui je suis verni !

Je vais vous parler de celle perdue dans les Hébrides intérieures sur la petite et discrète ile de Raasay.

 

Voici l’aventure (encore malheureusement virtuelle) qui m’a permis de gouter au distillat de la distillerie de l’ile : ISLE OF RAASAY SINGLE MALT BATCH 1.

 

Sur l’ile de Skye, à peine sorti d’une précédente dégustation dans la nouvelle distillerie de Torabhaig (voir ici la dégustation), j’ai entendu parler d’une autre jeune distillerie dans les parages, plus au nord.

 

Me voici ainsi parti à bord de BRAD PEAT vers le centre-est de l’ile en direction de Sconser pour y prendre le ferry. Sur place, il faut être aveugle pour ne pas voir à quelques encablures les montagnes de l’ile où je dois me rendre : RAASAY.

 

 

Un saut de puce de bateau pour traverser un petit bras de mer et je serai sur place.

 

En route, le ferry double un homme en train de traverser le détroit à la nage. A bord, une jeune femme brune lance un « go James, go » ! M’approchant d’elle, je l’interroge sur cet étrange personnage en train de barboter dans ces eaux certainement pas tropicales ! Elle m’explique qu’il s’est donné le défi de traverser le détroit pour pouvoir aller boire un verre à la distillerie RAASAY ! Il doit valoir le coup ce distillat, je fais bien d’aller y faire un tour.

 

Je lui dis donc que c’est précisément ma destination, elle me dit :  « vous tombez bien , je m’appelle Eilean Green, et je suis la directrice marketing de la distillerie ». Heureuse coïncidence. Elle me dit qu’elle va m’accompagner ! Pourvu que mon fidèle BRAD PEAT soit à la hauteur car il n’a pas l’habitude de transporter des jeunes femmes !!

 

                                                           Crédit : Ile Of Raasay distillery

 

Nous débarquons donc sur la petite ile volcanique, d’à peine 200 âmes, coincée entre le continent et l’ile de Skye et ce après à peine 25 minutes de bateau.

 

Bon BRAD PEAT a bien assuré et nous sommes vite rendu sur place. Il faut dire que la distillerie n’est qu’à à peine 5 minutes au sud du débarcadère.

 

Nous voici un peu avant le seul village de l’ile, Inverarish, devant une maison victorienne insérée entre plusieurs bâtiments modernes : Borodale House. Là, je me rends de suite compte que BRAD PEAT va avoir un copain sur son parking. Je me gare en effet à coté d’un combi orange au couleur de la distillerie (je vous rappelle que le miens est bleu !). Ahh les combis !

 

                                                           Crédit : Ile Of Raasay distillery

 

Eilean m’explique ensuite que le bâtiment, qui bénéficie d’une superbe vue sur la baie et sur l’ile de sky, n’est pas qu’une distillerie mais qu’il abrite également un restaurant et un même un hôtel (d’ailleurs primé aux Scottish Hotel Awards en 2019).

 

C’est « l’avantage » qu’ont les nouvelles distilleries, elles ne sont pas obligées de trouver le moyen d’intégrer un centre de visiteurs (désormais incontournable) dans l’existant, elles construisent la distillerie autour du centre de visiteurs (et plus comme ici). 

 

                                                           Crédit : Ile Of Raasay distillery

 

A coté de ce beau bâtiment mélangeant le moderne et le victorien, devant le warehouse, je vois des fûts, mais je suis surtout attiré par des fûts bicolores reconnaissables à travers le monde : ça cause Vins de Bordeaux ici ?!

 

Eilean me dit qu’elle va me faire visiter les installations mais surtout que je tombe bien car l’équipe est en train de préparer une dégustation virtuelle un peu particulière : une mystérieuse NA SIA (qui doit avoir bientôt lieu et sur laquelle je vais revenir) ! J’aime bien tomber au bon moment !

 

La visite me permet de voir les installations rutilantes et les deux gros alambics en pleine chauffe ! 

 

 Crédit : Ile Of Raasay distillery

 

Ces deux géants de cuivre ont quand même une super vue mer les bougres (je suis certain que comme chez Caol Ila, cela doit avoir une influence sur le distillat) ! Imaginons que cela promet le même avenir à la distillerie que celui mondial de sa consœur d’Islay !

 

En tout cas, si je ne sais pas vraiment si la vue mer de la salle d’opérations à son importance, une chose est certaine c’est que le vieillissement des fûts dans un warehouse insulaire, lui, a un vrai impact sur le goût du whisky. C’est d’ailleurs en direction de celui-ci que nous nous dirigeons maintenant à la découverte du fameux NA SIA.  

 

                                                                                                                                                   Crédit : Ile Of Raasay distillery

 

 

Arrivé sur place, je fais la connaissance d’Alasdair Day (fondateur de la distillerie avec son confrère Bill Dobbie). Ce dernier est en train de préparer des samples de couleurs différentes. Je vois également plusieurs fûts et surtout retrouve quelques-uns de mes fûts bicolores vus devant la distillerie ! Lui va certainement pouvoir m’expliquer ce qu’il en retourne.

 

Effectivement, le voici qu’il m’explique la genèse du whisky de l’ile de RAASAY qui distille depuis la fin de l’année 2017 (année où elle a quand même été adoubée et inaugurée par l’éminent Dave Broom). L’objectif annoncé était de créer un distillat ressemblant à ce qui se faisait dans les Hébrides au milieu du 19ème siècle à l’époque où la distillation sur l’ile relevait plus de la contrebande (à savoir un whisky légèrement tourbé et riche en saveurs de fruits noirs).

 

Alasdair m’explique qu’après de nombreuses recherches mêlant, l’eau de la source Tobar na Ba Baine (« le puis de la vache pale » filtré par les roches volcaniques), l’orge du « continent », la tourbe des Highlands, une longue fermentation et différents fûts, ils ont réussi à trouver la recette parfaite.

 

 

Pour la distillerie de l’Ile de Raasay, cette recette est basée sur un juste mélange de whisky tourbé (annoncé à de 48 à 52 PPM) et de whisky non tourbé passé dans des 6 fûts américains (chêne Chinkapin et ex-Rye whiskey) et français (vin rouge de Bordeaux) plus ou moins bousinés (testé avec de la…vodka ! –NDLR-). Ici on appelle cette recette NA SIA (LES SIX). 

 

                                                                                                                 Crédit : Ile Of Raasay distillery

 

Alasdair m’explique que c’est là-dessus que va être basée la fameuse dégustation virtuelle (et de fait celle qui m’attend aujourd’hui) : gouter aux 6 distillats séparément pour mieux apprécier chacun de leurs apports avant de gouter au produit final le ISLE OF RAASAY SINGLE MALT BATCH 1. Quel beau programme.

 

Alors justement qu’en est-il de l’effet de cette fameuse recette ?

 

RAASAY VIRGIN OAK CHINKAPIN

 

Alasdair commence par me parler des seuls fûts neufs de la sélection : le fût de chêne de Chinkapin venus du nord des Etats-Unis. Il dit que ce type de fût a été choisi neuf mais bien carbonisé pour la couleur qu’il apporte au distillat mais également pour les notes de fruits noirs qu’il transmet au distillat.

 

Alors qu’en est-il ?

 

Les deux distillats, qu’il soit non tourbé ou tourbé, passés par le vieillissement en fût de chêne nord-américain se parent tout deux d’une couleur ambre assez marquée (un des objectifs de ce vieillissement).

 

Pour ce qui est du distillat non tourbé, il est ici dans sa version brute et est resté 32 mois dans le fût.

 

Au nez on détecte du caramel et poivre blanc lors d’un premier passage. Au second passage ce sera plus de la confiture de fruits sucrés et de fruits rouges. Enfin lors d’un troisième passage il détectera de la vanille et un gâteau sucré mais avec une légère odeur de bière et un retour poivre et de gingembre.

 

Dans le creux de la main les fruits rouges ressortent et masquent le gout de l’orge.

 

En bouche c’est la puissance et les fruits rouges qui arrivent en premier. Le poivre est très présent et reste là tout au long de la dégustation. On va enfin détecter des notes miellées qui viennent réchauffer toute l’ambiance.

 

La finale va être longue sur la réglisse et des pointes de poivre qui reviennent par alternance.

 

Dans sa version tourbée, il est resté 2 mois de plus dans le fût.

 

Au nez, l’apport de la tourbe est bien marqué sur ce distillat. Au premier passage c’est d’ailleurs celle des bruyères fraiche et odorante qui est présente au travers d’une odeur de  bacon fumé. Au second passage elle fait ressortir de belles notes de framboise. Les épices restent présents mais masqué par l’odeur de fumée. Sur un troisième passage on va detecter des notes d’agrumes.

 

Globalement, au nez, le distillat tourbé amène une pointe de fraicheur.

 

En bouche, l’alcool plus présent et s’accompagne de fraicheur. Les notes poivrées sont beaucoup plus présentes qu’au nez. Un peu plus tard c’est la tourbe qui arrive et qui vient paradoxalement réchauffer l’ambiance. On peut détecter sur la fin une pointe de tension boisée plus marquée que dans la version non tourbée.

 

La finale est longue et va porter sur des notes citronnées.

 

Le verre vide recèle des notes poivrées marquées.

 

RAASAY EX.WOODFORD RESERVE RYE

 

Il me parle ensuite de l’ex fût de Rye (whiskey de seigle donc) américain. Provenant de la distillerie WOODFORD RESERVE, il permet de donner des notes épicées et caramélisées aux distillats qu’il héberge.

Les deux distillats, ici en version brut de fût se parent d’une couleur dorée beaucoup plus proche de celle d’un whisky vieilli en fût de bourbon. 

 

Dans sa version non tourbée il est resté 33 mois dans les fûts.

 

Au nez, lors d’un premier passage on va détecter des notes de fruits rouges, de raisins secs et de poivre. Au second passage il dégage une certaine fraicheur et une pointe de banane.

 

Dans le creux de la main des pointes de fumée.

 

Quand il entre en bouche il démontre une vraie puissance avec des notes marquées de vanille et de caramel. On peut ensuite détecter une pointe boisée qui va ensuite amener sur des notes orangées.

 

La finale, longue, est elle aussi sur des notes anisées et surtout poivrées.

 

Le verre vide reste sur des notes poivrées.

 

Dans sa version tourbée, il est resté 37 mois dans les fûts et son nez est clairement beaucoup plus tournée vers des arômes citronnés. La tourbe est moins présente au premier passage mais reste bien en retrait tout au long du voyage olfactif. Le second passage montre un caractère boisé et laisse même ressortir des arômes de clou de girofle.

 

En entrant en bouche, il paraît beaucoup plus doux que les autres distillats. Il masque néanmoins son jeu car en quelques secondes, il se transforme en puissance de gingembre, puis en miel et enfin en bacon grillé.

 

La finale est bien portée sur les notes citronnées et tourbée.

 

Les odeurs de fumée de tourbe semblent avoir été en partie absorbée par le fût de Rye et ressort surtout sur la finale.

 

 

Le verre vide est empli de poivre blanc.

 

RAASAY EX. BORDEAUX RED WINE

 

Il finit par celui que je connais le plus (cocorico), le fameux fût bicolore (qui dit bicolore dit fait des deux types de chêne différents –NDLR-) ayant contenu du vin rouge de Bordeaux.

 

Il me dit que ces fûts proviennent de la rive gauche de la Garonne du Château Calon-Ségur et qu’ils ont auparavant contenus du cépage Saint-Estèphe (vin rouge donc). Ils apporteraient des saveurs plus épicées.

 

C’est ce distillat qui va rester le plus longtemps dans les fûts (39 mois pour la version non tourbée et 36 mois pour la version tourbée). Ce vieillissement le pare d’une couleur légèrement cuivrée avec même des reflets un peu roses.

 

 

Dans la version non tourbée, au nez on va détecter la grosse présence du raisin et des notes de fruits rouges. Le bousinage des futs semble lui apporter une pointe de fumée. Lors d’un second passage on détecte des notes de framboise.

 

En bouche il est dense et épais. Mielleux dès le début il montre des notes poivrées. Il va ensuite dévoiler de la confiture de fruits rouges encore chaude. On détecte l’âpreté des futs de vins.

 

La finale longue est sur des notes boisées.

 

Le verre vide fait ressortir de notes phénoliques marquées.

 

Dans sa version tourbée, au nez, celle-ci n’est pas flagrante. Au premier passage, les odeurs de framboises bien mures sont exacerbées. Au second passage c’est les notes poivrées, qui au contraire sont atténuées au profit de notes camphrées. Ce n’est qu’au troisième passage que l’odeur de la tourbe est plus marquée. Elle semble plus fraiche encore que sur le distillat vieilli en fut vierge Chinkapin.

 

Dans le creux de la main la tourbe caoutchouteuse est bien là.

 

En bouche, on détecte un gout de framboise. Puis vient l’âpreté et les tanins du fut de vin, avant de repartir sur une chaleur et un moelleux du miel et la tension des épices. On peut ressentir une pointe de bacon grillé mais c’est surtout une sensation velours qui ressort.

 

La finale est longue et laisse en bouche des notes citronnées et le gout de la fumée fraiche et mentholée.

 

Le verre vide va laisser lui plus de place à l’odeur de l’orge et de l’odeur d’une pipe froide.

 

                                                                                                                                Crédit : Ile Of Raasay distillery

 

Quand on a goûté à chacun des distillats séparément, on peut commencer à se faire une idée du résultat final (réunissant les 6 distillats selon des proportion magiques et mystérieuses). Il sera légèrement tourbé (l’équivalent de 20 et 25 PPM – les PPM se mesurant lors séchage de l’orge cette mesure finale est bien entendu approximative et liés à la proportion des whiskies tourbés dans la recette –NDLR-), sera sucré à tendance fruits rouges et caramel et épicé.

 

Quand est-il vraiment ?

 

Une fois dégusté le 6 vieillissements différents Alasdair se tourne vers la bouteille rectangulaire ornée d’un fossile et me sert un verre du fameux premier distillat nait de la précieuse recette.

 

L’heure est venue de le gouter.

 

RASSAY SINGLE MALT BATCH 1

 

La couleur du distillat montre bien qu’il est un mélange des 6 fûts car il va être doré plus foncé que celui du fut de rye mais va garder quelques reflets ambres des deux autres vieillissements

 

Quand il entre dans le verre le nez va d’abord détecter porter sur des notes de fruits rouges (framboises) et fruits noirs (mures et myrtilles) bien murs. Il révèle une pointe de tourbe et déjà les épices détectés dans les 6 vieillissements.

 

L’alcool est bien maitrisé.

 

Au second passage les épices sont plus marquées et la fumée toujours présente.

 

Ce n’est qu’au troisième passage que des arômes de caramel et de seigle font leurs apparitions.

 

Dans le creux de la main, il n’y a pas à s’y tromper, ce whisky est tourbé et bien tourbé. On détecte une odeur de caoutchouc et de fumée froide.

 

Il fait une entrée en bouche très douce (presque trop). Néanmoins ce n’est qu’un leurre car la force de l’alcool et des épices arrivent ensuite et vient piquer la langue.

 

Le goût est frais et plutôt citronné. La bouche va ensuite s’emplir quelques instants de fumée avant de faire une belle place au sucre des fruits rouges et sur ses cotés la pointe d’âpreté reconnaissable lors des vieillissements en fûts de vin. Sur la fin on va trouver le gout d’un chasselas bien mure.

 

La finale va être paradoxalement plus courte que celle des chacun des 6 fûts (qui rappelons le étaient de Cask strength et avaient un degrés d’alcool beaucoup plus élevé. Il laisse néanmoins dans la gorge des arômes légèrement tourbés et anisés. 

 

 

La recette de ce premier distillat masque bien sa jeunesse et montre déjà une grande maitrise. On peut imaginer qu’avec une maitrise des différents vieillissements, que de belles découvertes pourraient bien sortir de cette distillerie des Hébrides intérieures.  De plus, compte tenu de la qualité de chacun des distillats « intermédiaire » rencontrés ici, on peut se douter que seuls ils pourraient bien faire l’objet de batch à part entière.

 

C’est avec toutes ces idées en tête que je dois quitter cette belle ile pour parcourir de nouvelle aventures de dégustation.  

 

 

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