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GLENFIDDICH CHAI N°8

Je n’ai que 100 mètres à faire !

 

Je suis toujours dans le Speyside et oui, à peine sorti sain et sauf du château de Balvenie pour ma dernière dégustation (voir ici la dégustation), je n’ai que quelques mètres à faire pour me rendre chez GLENFIDDICH !

 

Aujourd’hui je vais vous parler des mystères d’un lieu atypique, le Chai n°8, et de voir le lien étroit qui rapproche la distillerie (certainement la plus connue au monde) et le monde des méthodes de vinification espagnoles et du…rhum ! Nous allons faire de grands écarts et goûter à trois distillats qui font référence : le surprenant 15 ans SOLERA RESERVE, le noble 21 ans GRAN RESERVA et l’atypique FIRE & CANE. 

 

 

Je sais vous allez dire, mais il a trop abusé du single malt, il compare des distillats un peu éloigner les uns des autres !!! Ne vous inquiétez pas je vais vous expliquer.

 

 

Mais avant tout que je vous raconte ce qui s’est passé !!! Jérôme (Kaftandjian brand ambassador de la marque en France), m’a dit : « si tu passes dans le coin, fait un tour à proximité du Chai N°8 de chez GLENFIDDICH, il s’y passe des choses peu communes ! » Vous me connaissez…. J’étais à 100 mètres…

 

 

Me voici donc arrivé devant LA distillerie (une capacité de production de 20 millions de litres et 20 % du marché mondial des single malt). Si vous avez lu ma précédente aventure (voir plus haut), vous savez que nous sommes sur les terres de WILLIAM GRANT & SONS et que depuis près de 140 ans (1887 pour être précis) nous sommes à l’endroit (la « Vallée des Cerfs ») même où les premières pierres de l’histoire de cette famille ont été posées. Et quand on parle de premières pierres, c’est dans le vrai sens du terme car William Grant a été lui-même chercher les pierres du premier bâtiment dans le lit de la rivière Fiddich qui passe au pied du château de Balvenie. 

 

 

Juste un petit rappel sur cette distillerie, qui comme sa sœur, intègre la production de la culture de l’orge à la mise en bouteille. Mais c’est quand même depuis 2020, 43 alambics (dont 16 wash stills) ce qui en fait simplement la plus grosses d’Ecosse (même la nouvelle distillerie THE MACALLAN n'en possède "que" 21 !). Néanmoins, bien qu’incontournable ça en fait une des distilleries les plus honorables et surtout détenue par la même famille de propriétaires depuis le début. 

 

 

Me voici donc devant le Chai n°8. La porte était ouverte aussi, je me suis permis de pénétrer dans cet endroit sombre et mythique. Bien entendu, il y avait de fûts partout entreposés à même la terre battue du sol. J’ai entendu des personnes parler et je m’en suis rapproché. Après quelques pas je me suis retrouvé en compagnie de Mike Dawson (responsable des chais) et Brian Kinsman (maitre de chai) avec son Valinch à la main, tous deux devant un tonneau de Rhum en train de surement nous préparer une belle réalisation. 

 

 

Juste pour remettre en situation, Brian Kinsman est dans les murs depuis de nombreuses années et master blender d’une grande partie des whiskies de la marque Grant depuis 2009. Avant cela, il travaillait dans le sillage de David Stewart (désormais responsable des assemblages chez THE BALVENIE). De nos jours étant dans des distilleries proches et sœur, leur partenariat se poursuit et ils travaillent souvent en duo.

 

 

 

 

Je leur explique les raisons de ma venue sur les conseils de Jérome, et David me conduit assez rapidement devant ce qui fait une des particularités de ce chai et qui va nous amener à la première dégustation du jour : le SOLERA VAT N°1.

 


Dégustation 15 ans SOLERA RESERVE

 

Nous voici donc devant un foudre (très gros futs en pin d’Oregon) mis en place dans la distillerie en 1998 : Le SOLERA VAT. Quésako ? Mike m’explique que ce foudre est « simplement » inspiré du vieillissement solera qui a ses origines en Espagne. A la base utilisé pour les vins puis pour les xérès il est également utilisé pour le vieillissement des rhums (voila le lien entre les trois dégustations du jour).

 

Alors le système Solera c’est quoi ? C’est une méthode de vieillissement qui consiste à empiler des fûts sur plusieurs étages et de procéder à un mélange (ouillage ou une remise à niveau) des fûts les plus bas, au sol (les soleras), avec les fûts au-dessus (les criaderas) à chaque fois que l’on tire du spiritueux des fûts les plus bas pour le mettre en bouteille. Ce qui fait que le fût du bas est toujours plein et surtout garde toujours un peu du distillat d’origine.

 

 

Ce principe a été adapté par GLENFIDDICH en version XXL dans ce foudre qui ne contient pas moins de 7 500 litres. Il consiste à remplir régulièrement le foudre de whisky de 15 ans d’âge vieilli préalablement dans des futs de Xérès, d’ex fûts de bourbon et enfin de chêne neuf. De fait, le foudre est toujours rempli a minima d’un whisky de 15 ans (et plus puisque certains liquides présent dans le foudre date de 1997).

 

Une fois sorti du Solera Vat, le distillat transite par de grandes cuves en chêne portugais (qu’ici on appelle cuve à marier) pendant 9 mois supplémentaires.

 

Alors, alors qu’on peut imaginer que ce distillat est meilleur années après années, que donne-t-il ?

 

 

Depuis ses début au début des années 2000, ce distillat se pare d’une couleur cuivrée surprenante quand on sait qu’il est passé en grande partie par un fûts de bourbon, de futs neufs et également dans un gros foudre. La couleur peut venir de la petite part de xeres et des anciens distillats résiduels du Solera vat.

 

Son Nez est plus chaud qu’un glenfiddich habituel avec des notes de pommes (plus que de poire comme à l’habitude). Les notes sont très douces et sucrées. Elles sont vanillées et mielleuses mais avec une pointe boisée en arrière-plan. Un peu comme si notre glenfiddich s’était chargé de rondeur au contact de ses grands frères.

 

Le second passage va se révéler un peu plus sur les fruits rouges au début, puis va s’ouvrir sur des notes épicées de clou de girofle et de poivre.

 

Le troisième passage est plus frais et plus « Glenfiddich » et toujours épicé sur le gingembre. 

 

 

L’entrée en bouche se fait en douceur mais avec un goût d’amande. On remarque ensuite l’arrivée des épices qui montent progressivement pour devenir piquants. Ils se radoucissent ensuite pour venir déployer de notes mielleuses et biscuitées dans la bouche tout en se rappelant de temps en temps à nous.

 

Ce whisky montre une grande stabilité des arômes. On est quand même sur une référence de 15 ans d’âge en plus. Au bout d’un moment le gout poiré de « glenfiddich » se dévoile. On peut également noter une pointe d’astringence boisée. Et quand on avale, les épices font un baroud d’honneur pour se rappeler à nous.

 

La finale est longue et sur la canelle et des notes boisées.

 

Le verre vide recèle des arômes boisés et sucrés.

 


Dégustation 21 ans GRAN RESERVA

 

Un peu plus loin dans le chai, Brian me conduit vers les fûts de rhum afin de m’expliquer le processus de vieillissement de la deuxième dégustation : le  super 21 ANS GRAN RESERVA.

 

Sur le fût posé au sol, une marque GRAN RESERVA. Brian m’explique humblement que la genèse de ce whisky est à mettre au crédit de son prédécesseur David Stewart (depuis chez THE BALVENIE) et qu'il s'attachait à en conserver le excellence. Il faut se reporter en 2002, quand David décide de faire venir des fûts de rhum de Cuba pour réaliser de nouveaux finishs. Il appelle son whisky le Glenfiddich 21 ans Havana Reserve. 

 

 

En 2004, il m’explique que l’embargo de Cuba a empêché d’utiliser le nom Havana et surtout de s’approvisionner en fûts venant de Cuba. Il a été ainsi décidé d’utiliser les propres fûts de la distillerie mais en les assaisonnant pendant 6 mois avec un mélange de rhums brut de fûts âgés de 3 à 5 ans venu de la Barbade de Trinidad et de Cuba.

 

 

 

 

Brian prend ensuite son valinch et le plonge dans le fût en m’expliquant que le liquide qui est en train d’y remonter est qui a été versé a passé quasiment un quart siècle (21 ans pour être précis) majoritairement dans d’ex fûts de bourbon et plus marginalement dans d’ex fûts de sherry. Il m’explique que pour lui donner sa touche exotique, il a ensuite été glissé pendant 4 mois dans le fût devenu caribéen que nous avons devant les yeux !    

Le 21 ans Gran Reserva se pare d’une couleur cuivrée plus marquée que le 15 ans, malgré la moindre part de Xeres. Néanmoins une durée plus longue en fut de vin espagnol.

 

Le premier nez va aller sur des arômes marqués et intenses proche de ceux d’un rhum mais en moins sucrés. Les arômes de canne sont devenus banane. On sent que les épices sont tapis derrière et ne demandent qu’à être lâchés. Le premier nez est très doux et chaud.

 

Les épices sont lâchés au second passage avec une vague de fraicheur de gingembre, c’est lui qui va révéler une odeur plus « glenfiddich » sur la poire.

 

Le troisième passage s’adouci sur les épices mais reste boisé et recèle même des notes de cuire.

 

Dans la pomme de la main on ressent des arômes sucrés et chauds mais également une pointe de fumée.

 

Alors que M. Kinsman m'explique que depuis 3 ans la bouteille se vêt d'un habit de lumière signés de l'artiste Rion Wang pour le nouvelle an chinois, nous passons à la dégustation.

 

Lorsqu'il entre en bouche il va être douceur sucrée.

 

Néanmoins, malgré son age respectable très vite, il va retrouver de la force avec des épices qui apportent des notes poivrées puissantes. Il n’en reste pas moins chaud et doux et pas couvert d’épices (ces derniers ne se rappelant à nous que de temps en temps).

 

Au bout de quelques secondes, on note la présence de fumée qui vient accroitre une certaine fraicheur retrouvée.  Il convient de le conserver un peu compte tenu de son âge et sur la fin il devient velours en bouche en conservant des coups de banderille épicées par ci par là.

 

Les épices sont très bien maitrisées et empèchent juste de ne pas s’endormir dans le velours.

 

La finale est longue et chaude et moelleuse. Au bout de quelques secondes il remonte un vente de frais avec une pointe de fumée.

  

Le verre vide conserve des notes sucrées, chaudes et boisées avec une pointe d’odeur de fumée. 

 


Dégustation FIRE & CANE

Brian Kinsman, se tourne vers moi et me dit « PEATDREAM ?? It’s that ?...follow me » ….

 

En fait, il me mène devant un nouveau fût de rhum et d’un coup de vallinch, fait couler dans mon verre un liquide couleur or avec des reflets cuivrés.

 

Il m’explique qu’il s’agit de la 4ème expression de la gamme Experimental Séries le FIRE & CANE et qu’en bon amateur de tourbe subtile, il devrait me plaire.

 

En me servant, il m’explique le concept voulu par sa maison au moment du lancement de la gamme : innover, sortir des sentiers battus mais conserver malgré tout la « Glenfiddich touch » ! Joli programme.

 

 

Il m’explique que ces EXPERIMENTAL SERIES ont vu le jour avec une première expérimentation (le IPA EXPERIMENT) de vieillissement de distillat maison dans des fûts de bière artisanale du Speyside.

 

Il me dit ensuite que l’expérience a été renouvelée à travers le PROJECT XX, ou là il s’est mis en retrait et a demandé à 20 ambassadeurs de la marque d’élaborer un nouveau distillat.

 

Un premier cap a ensuite été passé avec le WINTER STORM (que j’avais eu l’occasion de déguster pour vous ici) où il a « osé » glisser un whisky de 21 ans d’âge dans un fût de vin de glace canadien (pari réussi une nouvelle fois).

 

Et désormais, il m’explique qu’il a franchi un pas que personne n’avait osé franchir chez Glenfiddich : en 2002, distiller du malt tourbé !!!! Les bases du EXPERIEMENTAL SERIE n°4 étaient posées. Mais comme il s’agissait d’un futur Glenfiddich (et qu’il allait être difficile de faire avaler un « full peat » aux amateurs, il a été décidé de le marier avec un distillat maison vieilli en fûts de bourbon. Néanmoins, comme il s’agissait d’expérimentation, il a ensuite été décidé de glisser le résultat dans un fût de rhum (venant  du rhum d’Amérique Latine dans des fûts de chêne blanc américain) pendant 3 mois !

 

On est à la limite d’une potion de Poudlard ! D'ailleurs, pour l'anecdote chez Glenfiddich,  depuis 2003, c'est seulement sur une semaine (celle dans l’année juste avant de nettoyer les alambics) quel la distillerie produit ses whisky fumés.

 

 Et alors, tourbé ou non ?

 

En s’approchant du verre, une odeur vanillée se fait une belle place.

 

Mais oui d’un whisky aux volutes de tourbes il s’agit bien. Quand le nez plonge dans le verre, il ne se trompe pas elle est bien là l’odeur de fumée du coin de feu (mais pas trop près de l’âtre, juste ce qu’il faut). Mais elle s’accompagne d’une belle chaleur sucrée avec un pointe d’épice qui surgit ensuite comme un crépitement.

 

Au second passage, il se fait plus frais avec des arômes plus herbeux et boisés mais avec le maintien des épices en arrière-plan (sans pour autant que ces derniers n’agressent).

 

Le troisième passage va être d’abord marqué par la force de l’alcool mais surtout des épices apportés par le séjour en fût de Rhum. Il lui ressort une belle odeur de tourbe.

 

Les 3 nez semblent décrire son vieillissement. 1-Tourbe, 2-Glenfiddich bourbon et 3-tourbe et bourbon. Le tout parsemé d’épice de fût de Rhum !

 

L’expérience du creux de la main confirme son caractère tourbé maitrisé avec une odeur de fumée de bruyère et de paille plus que de pneu.

 

 

Avant de le faire entrer dans la bouche, des effluves de fumée bousculent les arômes et passent en tête en amenant de la fraicheur.

 

Mais quand le liquide la surpasse, c’est accompagné d’abord de pomme bien mure et sucrée puis d’épices.

 

La fumée n’a pas dit son dernier mot car elle ressurgi. Puis les épices gagnent à nouveau leur place pour rester ensuite fixés sur le bout de la langue. Le distillat devient ensuite plus moelleux et velours même si de temps en temps quelques piqures poivrées ressurgissent. Au moment de la descente il se refait agrume « Glenfiddich » et gingembre mais accompagné d’une volute de fumée.

 

Le final est assez long avec une odeur de fumée déconcertante quand on a en main un verre de Glenfiddich !   

 

Le verre vide est bien celui d’un whisky tourbé car une odeur de fumée y persiste. En revanche il recèle également une pointe d’épice tenace.

 

Mon dieu que ce séjour dans le chai n°8 a été intéressant. En plus je suis certain qu’il recèle encore de beaux secrets. D’ailleurs, me sachant Français, Brian me dit qu’il va me faire goûter un autre distillat, mais pour cela nous allons dans le confort d'un fauteuil club...je vous le raconterai une autre fois !

 

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