Maison Benjamin Kuentz Uisce de Profundis

 

Une fois n’est pas coutume, c’est un whisky français que je vous propose de déguster aujourd’hui dans mon fauteuil club. Il s’agit du rare UISCE DE PROFUNDIS BAde la maison BENJAMIN KUENTZ (vous savez le John Glaser Français).

 

De plus, j’ai choisi de quitter l’âtre de ma cheminée pour déplacer mon fauteuil club dans la cabine du capitaine de l’Amphoris pour braver la houle bretonne.

 

Parceque oui, aujourd’hui, la dégustation a non seulement un caractère exploratoire de laboratoire de recherche et développement mais également un caractère marin (mais nous allons y revenir).

 

Avant tout, faisons connaissance avec ce whisky unique vieilli 1 an par 20 mètres de fond au large de l'île d’Ouessant (après 3 premières années plus « banales » en fût de chêne).

 

Il est issu d’un distillat français et du pari (fou) d’une start-up (AMPHORIS spécialisée dans le vieillissement de vin sous la mer) et d’un aventurier du whisky (Benjamin KUENTZ) : tester l’effet de l’iode, des marées et de la pression sur des fûts et des bouteilles de whisky. Même Tournesol, n’y aurait pas pensé pour ravir les papilles du capitaine Haddock (mille millions de mille sabords). De la pure recherche et développement, plus souvent rencontrée dans le milieu du whisky sur différents fûts de vins ou autres spiritueux que sur un vrai risque de perte de distillat dans un warehouse atypique.  

 

 

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la mer est sans pitié et que Benjamin devrait peut-être offrir une bouteille à la Proëlla du cimetière de Lampaul (petit monument qui rappelle le lourd tribut payé à la mer par les Ouessantins – ndlr-), car risque de perte il y avait et perte il y a eu ! Sur le premier batch immergé seules 125 bouteilles ont pu être prélevées et commercialisées sur les 300 immergées, et, sur le second batch (celui de notre dégustation du jour), seules 318 bouteilles retirées des eaux sur les 800 immergées : bouchons trop hermétiques sans intérêts, trop poreux laissant trop passer l’eau de mer, ou encore complètement inefficaces face à la pression, poissons alcooliques, et ne quoi d’autre… Comme quoi, on peut clairement dire que la part de Poséidon est plus importante que celle des anges.

   

 

Mais quand on voit le résultat, on peut se dire que le prix de l’unique en vaut bien la chandelle. De plus, chose que tout amateur de whisky sait impossible (sauf à oublier de reboucher une bouteille ce qui est soit ne va pas aller en la faveur du distillat), Benjamin a trouvé un moyen pour faire vieillir un whisky en bouteille. Un magicien !  

 

Alors ce Uisce de Profundis à la couleur dorée très claire, il donne quoi ?

 

Revenons déguster notre whisky sur l’Amphoris au large d’Ouessan.

 

Au moment où on plonge le nez dans le verre, le bateau vogue sur une mer assez calme et habituelle. Ce whisky va dégager une certaine chaleur (comme celle de la cabine du capitaine). Il dégage des arômes de poire et de pêche bien mûres. Il va être chaud et avec des notes clairement sucrées. On peut lui trouver une pointe de fumée bien qu’il ne soit nullement constitué de whisky tourbé. En revanche, il va rester très discret sur son caractère marin et salin et peut presque poser des questions quant à l’impact d’un vieillissement sous-marin.

 

En revanche, c’est au moment où il entre en bouche que tout se passe et que la tempête va se déchainer !

 

 

 

Le bateau commence à subir les effets de la houle par grosse mer. Comme le ressac des vagues de la baie de Lampaul un jour de tempête, la dégustation unique de ce whisky va et vient en bouche.

 

Tout d’abord on boit la tasse comme tourneboulé par une grosse vague chaude. On ne donnera pas à ce whisky un caractère salin mais bien un goût de sel (certains whisky écossais dits salins ont des soucis à se faire). La première impression est clairement salée et chaude.

 

Ensuite, une accalmie de la mer permet de découvrir un arôme de poire bien mûre et sucrée et de caramel. Le whisky se fait alors onctueux en bouche.

 

Le bateau tangue et un ressac le frappe à nouveau. Les notes salées reviennent en bouche et apportent à notre doux caramel un goût de beurre salé breton.

 

A nouveau une accalmie, nous permet de découvrir des épices (poivre et cannelle) mais un troisième et dernier ressac signe la descente du whisky dans les abîmes de la gorge.

 

Personnellement, si ce n’est peut-être jour futur essayer de boire un whisky à la proue d’un navire en pleine tempête, j’ai des doute qu’un autre whisky puisse faire un tel effet ! Et il est Français !!!

 

Comme la dégustation, la finale est tonitruante. Le Uisce de Profundis laisse un goût mielleux et sucré sur une durée moyennement longue. En revanche, et il doit certainement être le seul à faire cela, il laisse sur une durée très longue un goût iodé sur les lèvres.

 

Ce whisky se veut gastronomique et on peut imaginer qu’il viendra sublimer des huîtres (bretonnes) ou des violets (la aussi une sacrée expérience) à essayer pour les tables de fêtes de fin d’année (si vous arrivez à en trouver !!).

 

 

C’est les lèvres iodées et les cheveux en bataille que je retourne devant ma cheminée pour de nouvelles dégustations.