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COMPASS BOX ARTIST'S BLEND vs GLASGOW BLEND

L’avantage quand on voyage à bord de BRAD PEAT, c’est que même confiné les frontières tombent.

 

Aussi, à peine sorti de la nouvelle distillerie de Skye, je choisi de rester au Royaume de sa majesté la Reine Elisabeth (paix à l’âme de Philip qui n’était pas le dernier à déguster un bon scotch). Je vais aller faire un tour dans la banlieue de Londres du côté du CHISWICK STUDIO de notre ami John GLASER.

 

Cette fois-ci nous n’allons pas expérimenter un nouveau blend (comme nous avons pu le faire avec le SPICE TREE EXTRAVAGANZA dans une précédente dégustation ou comparer deux NO NAME de la gamme) mais nous allons plutôt parler d’un  « simple » relooking de bouteille et surtout du contenu des dites bouteilles : Aujourd’hui je vais vous raconter la première fois où j’ai gouté au ARTIST'S BLEND et au (futur) GLASGOW BLEND.

 

En ce début d’année 2021, l’équipe de John Glaser (le plus anglais des américains) est venue « dépoussiérer » le visuel de ces deux blend iconiques de la marque. Mais avant de les goûter pour vous je vais vous raconter la première fois que je les ai rencontrés à Paris.

 

 

Nous sommes fin 2011 à Paris dans la mystérieuse rue des Ciseaux dans le 6ème arrondissement. Le rendez-vous avait été donné par Chris Maybin (le plus français des anglais plus connu sous le surnom de My Lord qui travaillait à l’époque pour le master blender et qui est désormais parti vers de nouveaux Elixirs) devant une laverie. Le message était des plus mystérieux.

 

Rendez-vous pour la GREAT KING STREET EXPERIENCE (#00-V4 vs #TR-06). 

 

 

En cette soirée d’octobre, nous étions en retard d’une demi-heure (une banale erreur des sens de métro et une chute d’un fauteuil de fast-food mal arrimé -une sortie d’après-midi de whisky live en fait-) et la laverie ou nous avions rendez-vous était déserte.

 

En fait, il n’y avait qu’une personne en train d’attendre que sa machine finisse de tourner. Mais très vite nous avons reconnu la silhouette de notre ami My Lord ! Chris se retourne et nous lance dans son plus beau Français : « Ahhn bonsoiiir mes amis, vous voilà ! Suivez-moi ».

 

 

Il nous mena au fonds de la laverie et ouvrit une porte que l’on aurait pu croire condamnée par un des nombreux sèches linge. Derrière la porte il faisait sombre et les escaliers en descente ne semblaient guère encourageants. Néanmoins, nous avons suivi My Lord et au bout de quelques secondes nous avons entendu des gens qui discutaient : dans cette cave voutée, un bar clandestin (comme Paris en contient un grand nombre).

 

Bienvenue à l’expérience GREAT KING STREET #00-V4 et #TR-06.

 

 

La soirée avait déjà commencé et John Glaser avait déjà entamé les discussions avec les autres convives. C’est donc My lord qui se lance et nous dit " vous connaissez déjà Artist Blend (nous reviendrons sur la dégustation plus bas) mais nous souhaitons en créer un nouveau blend et nous souhaiterions avoir votre avis".

 

Nous nous rendons avec lui au fond de la cave où 3 bouteilles nous attendent. Une à l’étiquette jaune (Artist blend), une à l’étiquette rouge et une troisième à l’étiquette d’un bleu /gris clair.

 

 

 

My lord nous dit nous souhaitons savoir (au travers d’un sondage) si vous êtes plutôt Sherry ou plutôt Smokey (en disant cela il nous montre deux badges marques de I Love Smokey et I Love peated.

Quand on aime le whisky on sait très bien que le choix est très difficile et qu’en plus il dépend du ressenti du moment.

 

 

Avant de commencer, Chris nous dit que les deux distillats titrent 43 %, un sera plus « Sherry » et un autre plus « smokey ». 

 

 

My lord commence par la bouteille rouge annotée d’un «Experimental Batch #00-V4” en nous la présentant (comme souvent avec la precision Suisse de la transparence voulue par John Glaser) :

 

-"Ce Blend est composée de 2/3 de single malt en provenance des highlands (Clynelish, Dailuaine et Teaninich), d’un quart de whisky de grain des Lowlands (Girvan) et d’un soupcon de whisky d’Islay. Ce blend a été ensuite vieilli en fût de sherry de premier remplissage puis à fini sa course en fût de bourbon. Il nous a fait réver avec ses aromes de vanille et de noix de coco auxquels se sont rajoutés des agrumes et des épices".

 

Il prend ensuite le bleu gris (certainement proche du futur New York blend très recherché des amateurs de pépites de whisky) et nous le présente :  

 

Experimental Batch #TR-06 est constitué d’ 1/3 de whisky à grain des Lowlands (Girvan) et 2/3 d’un mélange de whiskies des highlands et du speyside (CLYNELISH, DAILUAINE, Teaninich et Ardmore) mais surtout des iles du sud (Mull avec du LEDAIG et Islay avec du Laphroig) le tout élevé en fûts de bourbon en suite en fûts de chêne neuf français. Effectivement nous étions parti vers les plages autour d’un feu de tourbe avec des arômes marins mentholés.

 

 

Une fois les deux créations de Compass box goûtées, il nous dit '"maintenant il va falloir choisir car John hésite et le goût de chacun l’intéresse ». Quand vous aurez décidé, vous prendrez un des deux badges, cela vous permettra d’aller discuter avec les autres convives et de partager vos ressentis.

 

De la de nombreux débats se lancent alors entre nous à coup de : « moi je suis plutôt sherry » ou « moi je suis pas trop tourbé » (avis de 2011 changé désormais par la personne en question), ou encore « on dirait qu’il y a de la cerise » (commentaire post whisky live) ou un autre « moi je pense que le tourbé irait bien avec un grenier médocain » (complètement hors de propos dans cette soirée). Bref de tout, et surtout un 50/50  sur le choix Sherry/peated. Me concernant, tout PEATDREAM que je suis, ce soir là j’ai préféré le Sherry et pris un badge rouge.

 

Le débat était ardu mais aucun consensus n’en sortait. Sur un des murs de la salle un panneau d’affichage montrait le dilemme de toute l’assemblée et un vrai dilemme pour John Glaser.

 

Je me lance et dit à my Lord : « et si le choix c’était comme le dit l'assemblée, un 50/50 pour le nouveau blend de Compass box? ». Il me regarde et me dit « pourquoi pas c’est possible que ce soit comme ça ! ».

 

Il se dirige vers John Glaser et lui dit un mot à l’oreille. Ce dernier se penche et me regarde en rigolant ! N'est-ce pas la vraie genèse du Glasgow blend ? Personne ne le saura jamais mais avec ses airs de fumée industrielle et sucrée de la ville de Glasgow !!

 

Qui c’est ?

 

Alors que les discussions continuent et restent ardues, nous nous rendons dans un autre coin de la cave où nous attend le reste de la gamme de la société Compass Box. Aussi, l’occasion nous ait donné de goûter l’intégralité de la gamme et de dire la phrase devenue désormais culte « All the range my lord, Please! »

 

Ah que de bons souvenirs !

 

Mais revenons à nos deux dégustations ! 

 

Alors quittons Paris pour revenir à Londres, ou non remontons plus haut dans les terres écossaises à Edimbourg, et commençons par nous intéresser au ARTIST’S BLEND (Anciennement connu sous le nom de de Great King Street Artist’s Blend).

 

Déjà pourquoi ce nom ? Il suffit juste de remonter l’histoire de Compass Box pour voir qu’avant d’occuper le CHISWICK STUDIO à Londres et bien les bureaux de création de la société se situaient au 24 Great King Street dans cette belle ville d’Edimbourg (mais ça c’est pour le nom d’avant). Le nouveau nom se veut plus représentatif de la ville et de son coté calme et posé.

 

Alors faut-il vraiment présenter cette référence iconique de John Glaser ? Comme souvent la transparence est de mise dans la maison COMPASS BOX (ce qui n’en enlève pas moins de la grande complexité).

 

A l’image poétique et artistique de la ville, il se pare d’une belle couleur or et est issue de :

-  45 % de single grain de la distillerie des Lowland The Cameronbridge passé part un fût de bourbon

-  27 % de single malt de la distillerie du speyside Linkwood mais partitionnée en 2 (3/4 en fût de bourbon et ¼ en fut sherry but assaisonné)

-  10 % de la mystérieuse distillerie du speyside The Balmenach vieilli en fût de bourbon

-  10 % du nord des Highland Clynelish

-  8 % de différents Malt des highlands vieilli par la maison dans des fûts de chêne français (distilleries Glen Moray, Tomatin et Balmenach).

 

Comme toujours on est sur une recette plus proche de celle d’un alchimiste que de celle d’un master blender ! 

 

COMPASS BOX ARTIST'S BLEND

Qu’en est-il vraiment ?

 

Ce whisky qui se pare d’une belle couleur dorée ressemble à un paisible après midi ensoleillé sur le bord du lac faisant face au Scottish National Gallery d'Édimbourg.

 

Eloigné du verre le nez est sur la vanille du single grain. Néanmoins plus on s’en approche plus on va aller vers des notes fruitées.

 

Une fois dans le verre le premier passage permet de découvrir une pointe vineuse (comme si le Linkwood vieilli en sherry voulait s’échapper). Vite l’orge fait son entrée et prouve qu’il n’y a pas que du whisky de grain. On ressent une impression de fraicheur presque citronnée et réglissée.

 

Au second passage on découvre de belles notes soyeuses de chocolat blanc mais également de fruits à coque.

 

Au troisième passage nous allons rester sur des notes sucrées mais plus vanillée ou provenant de fruits blancs gorgé de soleil.

 

Autant au nez on arrive à différentier les deux sources de distillat (grain et malt) autant en bouche elle se marient et ne font plus qu’un.

 

Dans le creux de la main on pourrait presque croire à un fonds de fumée.

 

 

Justement quand il entre en bouche il est chaud et onctueux. Il fait apparaitre des notes sucrées et moelleuses. Surgit ensuite, très furtivement, une pointe d’épice. Mais cette dernière disparait très vite pour laisser à nouveau la place au miel et au caramel.

 

La finale plutôt courte est sur les mêmes notes sucrées et onctueuses. On détectera une pointe d’âpreté et de réglisse, mais l’impression globale sera plus moelleuse.

 

 

Après la sagesse d’EDIMBOURG passons maintenant à la folie de GLASGOW.

 

Comme pour L’ARTIST’S BLEND, intéressons-nous au nom. Si vous avez déjà passé une soirée de week-end à GLASGOW (il faut le voir une fois dans sa vie), vous aller de suite comprendre pourquoi, la maison COMPASS BOX a choisi ce nom pour son second ex Great King Street (à l’époque) pour héberger un blend assez éloigné des standards et tourbé à l’ancienne ! Quand on connait-ça on comprend aussi pourquoi, sur la bouteille on retrouve la statue du Duc de Wellington coiffée (comme il est très souvent de coutume) de son plus beau couvre-chef.

 

 

Alors sur quelle base le magicien JOHN GLASER est-il parti en 2014.

 

Après les turpitudes des sessions de dégustations à travers le monde (dont je vous ai présenté la version parisienne à peine modifiée), aucun compromis ne ressortait du lot. Solution soit faire deux nouveaux blend, soit les mélanger et partir sur un 50/50 peated-sherry. Quand je vous parlais de genèse plus haut ! Si les bases venaient des amateurs indécis sur le côté tourbé ou le coté sherry, le gros du travail a bien entendu été fait pas John et son équipe.

 

Alors que trouve-t-on dedans ?

 

On va avoir affaire à une complexité assez rare (loin du 50/50) :

- 35 % de single grain provenant des Lowlands (distillerie The Cameronbridge vieilli en fut de bourbon)

- 35 % de single malt provenant du Speyside (Glen Moray, Tomatin et Balmenach Distillery) vieilli en grand majorité dans des sherry butt de premier remplissage et quelques sherry but rechargés

-  18 % en whisky d’Islay (Laphroaig) vieilli en fût remontés

-  10 % venant des highlands du nord de la distillerie Clynelish (vieilli en fut de bourbon)

- 3 % venant des Highlands (Clynelish, Teaninich et Dailuaine), vieilli en fut de chêne français brulé à souhait.

 

De quoi apporter des notes de sherry et de tourbe !

 

COMPASS BOX GLASGOW BLEND

Alors qu’en est-il ?

 

Ce blend se pare d’une couleur à peine plus foncée que l’ARTIST BLEND.

 

Quand on est encore un peu loin du verre, on détecte de suite beaucoup plus de fruits rouges et déjà la fumée de tourbe.

 

Quand on rentre franchement le nez dans le verre pour la première fois ce sont de suite des aromes de sherry et d’épices qui se font sentir. Il s’accompagne de l’odeur moelleuse et sucrée d’une guimauve. On peut également détecter une odeur de caramel mais on sent déjà, comme tapie en arrière-plan, des effluves de fumée de tourbe.

 

Le second passage du nez sera entièrement consacré à la fumée de la tourbe et au distillat malté vieilli en fût de bourbon avec de belle notes d’orge.

 

Le troisième passage, quant à lui, va revenir sur les fruits rouges mais laissera ça et là ressortir quelques notes de réglisse et la chaleur du chocolat.

 

Dans le creux de la main, il n’y a pas à s’y tromper, on est bien en présence d’un whisky d’un whisky tourbé avec une belle odeur de pneu chauffé.

 

Quand il entre en bouche, ce Blend est dense et beaucoup plus présent que son prédécesseur. Il va dégager une douce chaleur moelleuse avec des aromes de fruits rouges bien mures et d’épices. On détecte un temps une pointe d’âpreté mais de suite on se retrouve dans notre jardin d’épices qui s’immisce sur le bout de la langue et au fond de la gorge. Ensuite comme caché surgit les arômes de tourbe qui viennent vous enfumer la bouche. Au bout de quelques secondes, ces derniers s’estompent pour laisser la place à une fin de dégustation basée sur des notes mielleuses et sur des notes boisées d’amande.

 

La finale de ce GLASGOW BLEND va s’avérer plus longue que celle du ARTIST’S BLEND avec un souvenir tourbé et des traces d’épices et de réglisse laissé ça et là.

 

Le verre désespérément vide sera sur la fraicheur du citron et bien entendu la fumée.

 

Ce deux Blend, qui se veulent à l’image des deux grandes villes écossaises est également un beau résumé de la palette aromatique de COMPASS BOX. Soit on va chercher un Blend tranquille et on ira vers un ARTIST’S BLEND soit un voudra un brin de folie et on ira vers un GLASGOW BLEND !

 

C’est sur ces notes que je vais quitter Londres et vais continuer vers le nord de l’Ecosse, car il parait qu’il se passe des histoire paranormales dans les Highlands.

 

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