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DEWAR'S DOUBLE DOUBLE SERIES 21 ANS

J’ai déjà eu l’occasion, plusieurs fois, de vous parler de la « woman peated touch » (voir la dégustation Benriach smoke season et le comparatif des vieux Benriach), mais je ne vous avais pas encore parlé de la « woman smooth touch ». Celle de la master blender de chez John DEWAR’S, j’ai nommé STEPHANIE J. MACLEOD.

 

Aujourd’hui, nous allons goûter une de ses réalisations de 2019 : le DEWARS DOUBLE DOUBLE SERIES 21 ans.

 

Pour se faire, je quitte le Speyside et je prends la direction du sud des Highland à bord de mon Brad Peat, juste en dessous du parc National Cairngorms vers la petite ville de Aberfeldy. Le nom vous parle ? Un peu normal non pour des amateurs de whisky. Mais si la ville d’Aberfeldy abrite la distillerie éponyme, elle est aussi l’antre-vitrine d’une des plus grosses sociétés de whisky d’Ecosse : JOHN DEWAR & SONS ltd. On ne peut pas se tromper c’est marqué en gros sur les tonneaux devant la distillerie : HOME OF DEWARS !

 

Alors nous voilà dans cette belle distillerie (mais j’en ferai une description un autre jour) car aujourd’hui le rendez-vous est pris pour goûter un blend 21 ans dans le bar secret qu’elle cache.

 

Avant d’atteindre le fameux Scotch Egg Club, je vous conseille quand même un passage par la blending room et l’original couloir de douelle sans oublier d’aller signer un des fûts de la salle de dégustation.

 

Mais nous voici dans le mystérieux bar caché (souvent reproduit dans les salons à travers le monde), mais là pour de vrai !!!

 

 

Avant de parler et de goûter au « DOUBLE DOUBLE » de Stéphanie J. MACLEOD, je vous propose un petit retour en arrière sur la société DEWARS.

 

Retour au milieu du 19ème siècle (1846 pour être précis), à une époque où on pourrait croire tous les amateurs de whisky s’appellent John (!!). Un certain John Dewar se lance dans la vente de spiritueux dans la ville de Perth (à à peine 10 minutes de là nous nous trouvons). L’affaire est tranquille mais quand même fleurissante. Après 1868 et la libéralisation de ventes et surtout l’autorisation de la création de mélanges (le Spirit Act), l’homme amateur de whisky se met à créer des blends. Une réussite.

 

En 1879, il intègre ses deux fils dans l’affaire. Le premier s’appelle John Alexander (comme tous les bons fils de John amateurs de whisky) et le second Tommy. La société JOHN DEWAR & SONS est né et les trois anneaux du logo sont liés (au nom du père, du fils et... du fils). Pas pour longtemps malheureusement car John (le père faut suivre) décède l’année d’après. Bref, les deux frères se retrouvent à la barre. Un amateur de whisky et un commercial. Quoi de plus pratique comme équipe ! C’est le début de l’envol de la société. 

 

 

Un va développer la production et l’autre la faire connaitre !

 

Pour la développer Alexander embauche un master blender (A. J . CAMERON) et ouvre même une distillerie (celle où nous nous trouvons) pour l’auto approvisionnement. Avant cette création le principal fournisseur était la distillerie Auchnagie déjà du coin (si vous en avez une bouteille gardez là bien sous le coude car elle est fermée depuis 1912 –NDLR-). L’arrivée de ce master blender a quand même son importance, car c’est lui qui a mis en place la DOUBLE AGED (vieillissement des singles grain et single malt séparément, puis vieillissement du blend dans un dernier fût). Et c’est d’ailleurs à ce moment-là que le fameux Dewar's White Label voit le jour.

 

La production est là, mais il faut la faire connaitre. C’est là qu’intervient Tommy. Il part d’abord à travers les pubs de Londres et d’Angleterre, puis ensuite à travers le monde pour promouvoir les produits de la marque. Mais là où il est fort c’est dans la publicité et les coups d’éclats. Pour aller au plus court, la société DEWAR’S devient un des plus gros pourvoyeurs de publicités de spiritueux du passage du siècle. Parmi les coups de maitre publicitaires, on peut noter la première publicité vidéo (voir en dessous), l’inscription de DEWAR sur des pneus de voiture afin d’en laisser la trace, ou encore l'éclairage de toute une tour de Londres aux couleurs de la marque (si ça se trouve c’était déjà du Séguéla vu l’âge de ce dernier –NDLR-). Du coup la société est de plus en plus connue et se développe.

 

 

Alors que John Alexander, devenu Lord Forteviot, parvient à obtenir un mandat royal de la Reine Victoria (mandat quasiment continue jusqu’à nos jours –Cf celui de la Reine Elizabeth II sur les bouteilles actuelles-), Tommy, devenu Lord Dewar of Homestall, lui fait remarquer la marque aux Etats-Unis en envoyant en grande pompe un carton de bouteilles de scotch au président de l’époque (amateur de Bourbon car Americain). Si vous voulez en savoir plus des aventures de Tommy, tout est raconté dans le livre « A Ramble Round the Globe » publié à l’époque (et qui sait a peut-être influencé l’opéra rock des Who ?! Ou pas).

 

 

Le développement commercial mondial de la société va lui permettre de traverser (presque) sans encombre, La crise des Pattisons, la 1ère Guerre Mondiale, la prohibition américaine et même la crise de 29, et de nous régaler toujours de nos jours.

 

Côté financier (je sais que nous ne sommes pas là pour parler de ça mais pour goûter du whisky mais quand même ça a son importance), la société familiale a fait l’objet de nombreuses fusions et reprises. Néanmoins il y en a une (avant l’actuelle) qui mérite que l’on s’y intéresse.

 

Elle a lieu en 1925 quand la société rejoint une certaine société JOHN WALKER & SONS au sein du groupe Distillers Company Ltd (DCL). Vous connaissez JOHN Walker et son fils JOHN ALEXANDER Walker, comme ici (si l’histoire du concurrent de toujours vous intéresse je l’avais raconté dans ma dégustation ici – NDLR). Le fait est, les deux concurrents (qui heureusement n’ont pas été fusionnés à la grande chance des amateurs) ont fait partie du même groupe pendant plus de 70 ans (groupe qui au gré des multiples fusions est devenu DIAGEO). Jusqu’en 1998 où une loi anti trust a fait que la société a été cédée à BACARDI. 

 

 

Le groupe est certes « un peu moins gros » mais il permet désormais à JOHN DEWAR & SONS d’avoir accès à un grand nombre de distilleries (certaines étant venues dans la valise de John) : Aberfeldy, Aultmore, Craigellachie et Royal Brackla qui ont rejoint MacDuff déjà là. En parallèle la société, en entrant dans ce nouveau groupe a bénéficié d’un nouveau siège social à Glasgow et même accés à une tonnellerie dans la banlieue.

 

 

Voilà j’espère que je ne vous ai pas perdu en route car maintenant il va falloir goûter à la « woman smooth touch » et sa DOUBLE DOUBLE maturation.

 

La fameuse Stéphanie J. MACLEOD, ancienne analyste sensoriel à l'université de Strathclyde, incollable sur le whisky, le vin et le fromage, est arrivée la même année que la société DEWAR’S chez BACARDI. Elle a d’abord travaillé dans le service qualité de DEWAR’S, mais est vite devenue Master Blender de la marque. Son cahier de charge était simple : faire dans la douceur de la douceur (ou bien comme l’avait fait le premier Master Blender de la société il y a 170 ans mais en mieux encore).

 

Le prix de MASTER DISTILLER OF THE YEARS 2019 à l'International Whisky Competition (IWC) et ses 3 DOUBLE DOUBLE (21, 27 et 32 ans) dans les meilleurs BLEND du monde au même concours sont peut-être des preuves qu'elle a réussi ? non ?

 

Mais alors c’est quoi ce fameux DOUBLE DOUBLE. Cela paraît simple que je ne comprends pas qu’on y ai pas pensé avant !

 

Un Blend c’est des single grain et des single malt assemblés (jusque-là vous allez me dire c’est un peu normal).

 

Et bien sur 21 à 32 ans (ce qui laisse clairement au bois le temps de faire son boulot), chez DEWAR’S, tout d’abord, les whiskies de grain ou de malt transitent séparément par des fûts chacun de leurs coté. Ensuite les single grain sont assemblés entre eux et continuent leur vieillissement dans de nouveaux fûts. Il est fait de même du coté des single malt.

 

On assemble ensuite les deux (grain et malt) dans un blend qui une nouvelle fois est vieilli dans un autre fût. Pour terminer on finit le mélange en le glissant dans un fût de sherry : Oloroso pour celui que nous allons goûter, Palo Cortado pour celui de 27 ans d’age et Pedro Ximénez pour le 32 ans d’age.

 

C’est ça le DOUBLE DOUBLE AGED.

 

DEWAR'S DOUBLE DOUBLE SERIES 21 ANS

Alors on y goûte ?

 

Ce blend a tellement vu de fûts, que sa couleur est devenue foncée presque marron (pourtant quand on l’a à coté de ses deux congénères c’est le plus clair !!).

 

Quand on approche le nez du verre, on découvre tout d’abord de lointains arômes de fruits mûrs gorgés de sucre. On détecte aussi des arômes de chocolat. La première impression lointaine est clairement sur la douceur (« ultimate smoothness » c’est marqué sur la bouteille).

 

Quand le nez plonge dans le verre pour la première fois, il détecte de suite le finish sherry avec des notes de fruits rouges marquées (telles que celles de cerises burlats prêtes à éclater)  accompagnées d’épices (comme le poivre). La grosse chaleur qu’il dégage fait plus penser à un « sherry bomb » qu’à un blend !

 

Au second passage, la chaleur s’estompe et laisse un peu plus de place aux arômes citronnés et frais d’un whisky de grain. Ce côté citronné vient se marier avec un côté boisé (certainement lié au grand nombre de fûts mélangés, le fût de sherry Olorosso s’étant fait plus discret).

 

Le troisième passage va lui être complètement moelleux et marque le retour des fruits mûrs et des épices sur la fin.

 

Dans le creux de la main on sent un fonds de fumée de tourbe (auquel on ne s’attend pas) et une odeur de fût vide.

 

Globalement on reconnait la douceur DEWAR’S mais plus travaillée. Ici, malgré l’âge, le passage par de nombreux fûts semble ne pas avoir altéré la force (comme cela pourrait être le cas dans un whisky de plus de 20 ans). Notons cependant qu’il a été embouteillé à 46 % d’alc/vol soit 6 points de plus que les autres DEWAR’S. En tout cas la méthode DOUBLE DOUBLE est loin de lisser des arômes, au contraire. 

 

Ce Blend (que j’appelle comme ça ici car c’est réellement son appellation mais qui me fait plus penser à un single malt) fait une entrée en bouche beaucoup plus en fanfare que ce à quoi le nez préparait.

 

Une vague d’épices (poivre et cannelle) déferle. Elle s’arrondi néanmoins rapidement pour laisser beaucoup plus de place à une texture moelleuse et mielleuse (très sucrée sur la pomme mure). Mais les épices n’ont pas dit leur dernier mot, ils restent tapis en arrière-plan avec leur copain le boisé et sa copine l’âpreté des fûts successifs.

 

Néanmoins, chez DEWAR’S, la douceur est plus forte que tout et les balaye à coup de fudge.

 

Alors que le milieu de la langue baigne dans une texture moelleuse de peau de pèche, les 21 secondes de dégustation se terminent par un retour en fanfare du poivre sur le bord de cette dernière.

 

Je trouve que l’ajout d’eau n’est pas ici nécessaire pour l’odeur car elle n’apporte rien de plus si ce n’est qu’elle lisse les aromes (qui mérite ici d’être décryptés individuellement). En revanche, elle adoucit le goût et le rend encore plus moelleux : une pointe d’épice sur de la ouate.

 

Une fois avalé, la finale est relativement longue tout d’abord sur le grain, les épices et le bâton de réglisse. Elle se poursuit ensuite longtemps sur le moelleux.

 

 

Quel beau voyage, je comprends qu’il ait séduit le jury de l’IWC.

 

Avant de poursuivre ma route pour de nouvelles aventures, je vois dans un coin du bar, une bouteille dorée de 15 ans « THE MONARCH » ! On m’en a dit beaucoup de bien et il paraît que c’est encore une belle réussite de Mrs MACLEOD ! Je vais y jeter un œil, je vous raconterai ça une prochaine fois. 

 

 

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