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WHISKIES FONTAGARD

 

Me voici de retour dans notre beau pays, après ma virée américaine, dans le nouvel « Eldorado français » du whisky : la Nouvelle-Aquitaine. Et plus précisément le bon vieux pays du Cognac.

 

J’ai déjà eu l’occasion de vous parler de cette belle région et de sa place dans la production de whisky en France (voir ici l’article sur la Nouvelle Aquitaine), mais c’était sans compter sur son fort développement avec de nombreuses références et avec notamment des maisons de Cognac qui se mettent à produire du distillat d’orge.

 

Parmi tous ces nouveaux venus (enfin nouveau il faut vite le dire), nous allons partir à la découverte de la Distillerie FONTAGARD qui nous régale avec ses premiers distillats prometteurs et surtout dont (à mon avis) on n’a pas fini d’entendre parler.  

 

 

Encore tourneboulé par un straight bourbon embouteillé à Cognac (voir ici l’article prémonitoire sur le TWO WORLDS), en suivant la rivière Charente, j’arrive dans cette même ville en quête de chimères. Non, je vous rassure, le bourbon ne m’a pas donné envie de chercher un animal mythologique, mais il se dit qu’à l’ombre de deux d’entre-elles sommeillent de merveilleux distillats.

 

Après une petite enquête à proximité du château de Cognac, j’ai traversé la Charente, à bord de mon fidèle BRAD PEAT, et j’ai pris la direction du sud du département. Au bout de 30 minutes de route, je suis arrivé dans le village de Neuillac. Là, toujours dans ma quête chimérique, on m’a aiguillé encore plus au sud dans le lieu-dit Fontagard ! Je devais certainement approcher car c’était exactement le même nom que la distillerie derrière laquelle je courrais aujourd’hui. 

 

 

Et c’est bien là que je les ai trouvées mes deux chimères à tête de cheval cornu encadrant une grande porte en bois le long de l’ancienne voie romaine. J’étais arrivé. La distillerie de cognac FONTAGARD.

 

Comme les portes étaient closes, j’ai décidé de traverser la rue et je me suis retrouvé dans la cour d’une bâtisse en briquettes rouge avec attenante une grande longère charentaise. 

 

Faire discret avec BRAD PEAT pas facile ! Bien évidement sa pétarade est venue troubler la quiétude du lieu et il n’a pas fallu longtemps pour que deux hommes apparaissent. Je les reconnus de suite : Adrien (Granchère, 4ème du nom) et Richard (Lambert) !

 

Rapidement, je leur ai parlé de ma quête chimérique et ça les a fait beaucoup rire. Ils m’ont néanmoins expliqué que les deux têtes de chevaux flanquées d’une corne étaient là pour veiller sur le bon vieillissement des distillats et qu’elles étaient déjà accrochées à leur mur à l’époque où les fûts arrivaient à bord de chariots il y a 150 ans.

 

Car oui, si la production de whisky est ici récente, il n’en va pas de même pour celle de Cognac. 

 

Crédit Photos : B. Luzynska

 

En nous rendant vers la longère, Adrien me raconte qu’il est la 4ème génération de Granchère dans ces lieux. En effet, la maison FONTAGARD a été créée en 1870 par Ernest son arrière-grand-père qui, à l’époque, s’est lancé avec réussite dans la production de Cognac. Elle a été après dirigée et largement développée par sa grand-mère, Marie-Thérèse, puis son père Dominique. C’est ces 3 générations qui ont fait de la société un producteur, distributeur et négociant de poids dans la région de Cognac. C’est par exemple du cognac de la maison qui coule de certaines bouteilles de Courvoisier ou de Rémy Martin.

 

 

Crédit Photos : B. Luzynska

Adrien, donc continue sur la même ligner à développer la société, mais, depuis 2015 diversifie la production de la maison (à notre grand bonheur). Il a commencé par produire du Gin et du Rhum, mais désormais c’est surtout vers le whisky qu’il va axer la diversification.

 

Il m’explique que la nouvelle aventure whisky est loin d’être une chimère (encore une) et qu’elle est fondée sur l’expérience de la maison (avec l’aide de son père Dominique). Il est accompagné dans sa nouvelle quête par les connaisseurs des spiritueux que sont Richard avec nous aujourd’hui (de la société DI-STILL et ancien de chez Remy Cointreau) et Alfred Cointreau (6ème du nom). Un coup de pouce final a été donné des « kisskissbanker » amateurs de whisky !

 

 

Crédit Photos : B. Luzynska

 

Adrien me dit que l’objectif assigné n’était pas de produire un N’ème whisky français, mais plutôt de produire un whisky, non seulement écoresponsable (comme l’est la production de la société) mais également et surtout reconnu comme une référence.      

 

En entrant dans la longère, je comprends un peu mieux pourquoi la diversification peut ici se faire sans pour autant mettre en péril l’intégrité de la société. Adrien est assez fier de me présenter les 11 alambics de la maison. Quelque chose me dit que les spiritueux coulent à flot par ici. C’est grâce quelques-uns de ces valeureux charentais que depuis 2017, la société s’est lancé dans la production de distillat de malt et qu’en 2021, elle nous régale avec ses productions.

 

 

Avant d’aller goûter les différentes réalisations, nous continuons la visite des bâtiments du « hameau des douze âmes » en passant devant les silos et le nouveau et moderne chai de vieillissement. Direction enfin l’autre coté la route où nous attendent nos fameuses chimères : je suis quand même venu pour les voir.

 

 

 

 

Elles surveillent la porte du chai principal. C’est dans ce dernier que dorment un grand nombre de fûts. Bien entendu, il n’y a pas que du whisky, et loin de là (la production de base est quand même celle du Cognac). Adrien me montre quand même des fûts de Bourbon, de Sauternes, de Pineau des Charentes et me dit que ce n’est pas du cognac qui y dort.  

 

 

Bien entendu impossible de repartir d’ici sans gouter à tous ces beaux breuvages.

 

Dans un coin du chai, sur un fût, se tiennent 4 bouteilles noires au look aussi moderne que l’âge de la distillerie est ancestral.

 

Avant d’y goûter, Adrien me présente les mystérieux distillats aux noms codés dignes des plus grands secrets français. Il me dit avant tout qu’elles ont toutes été produites à partir d’une orge locale commune au nom également codé 6RH récoltée en 2017 et qu'elles sont toutes embouteillées à 44 % d'alc/vol. Donc leur différence provient quasi exclusivement du vieillissement :

-        CGNC 9918-5, « la référence » issu d’un distillat de 3 ans vieilli en fûts de très vieux cognacs

-        PNDC 9918-9, qu’on appellera « le charentais », vieilli lui aussi en fûts de cognac mais également en fût de Pineau des Charentes

-        STRN 9918-8, « le vigneron » toujours vieilli en futs de cognac mais également en fût de Sauternes.

 

 

Je connaissais ces 3 références mais derrière les trois bouteilles reconnaissables à leurs marques de couleurs (respectivement bleu, rouge et jaune), se cachait une quatrième bouteille ciglée LMBR 9918-4 (le orange !). Il me dit que celle que j’appellerai « la mystérieuse folie » ravira bientôt nos papilles. Richard me dit que cette douce folie est la sienne (LMBR vs Lambert ??? Peut-être un lien non ?). Il me dit qu’il s’agit d’un distillat mélangeant des whiskies vieillies en fût de Bourbon, de Sauternes et de Cognac puis assemblés et élevés en futs neufs de chêne du Limousin (de quoi redonner du pep’s !). Il me dit qu’il devrait me plaire car il est brut de fût et qu’il hume la tourbe !

 

Et si on goûtait à tout ça ?

 


CGNC 9918-5

 

Commençons par les fondations et le CGNC à la couleur or clair (qui trahit peut-être ses seulement 3 ans et demi passés en fûts de cognac).

 

Quand le nez plonge dans le verre, il va découvrir des arômes très fruités et paradoxalement plus marqués que pourraient être ceux d’un single malt de cet âge.

 

Le premier passage laisse passer une odeur de melon et puis de pèche bien mure.  Ce whisky est assez frais et laisse passer en arrière-plan une odeur de vanille.

 

Le second passage reste sucré et va vers une odeur de raisins secs (tout d’abord gorgés de soleil puis séchés à ce même soleil).Derrière la vigne se cache une odeur douce de chocolat.

 

Le troisième passage montre plus son côté boisé et également est marqué par l’arrivée des épices.

 

Dans le creux de la main on ressent l’orge.

 

Goutons !

 

Ce single malt est né sous le signe de la douceur et sucre.

 

Son entrée en bouche est douce puis elle laisse passer des épices qui arrivent en force (jeunesse et fougue). On va ensuite trouver un côté vineux qui va ensuite s’adoucir et devenir plus mielleux. Néanmoins, les épices restent bien présents (sur le palais et la langue). Après quelques secondes, faisant suite à une pointe d’âpreté et un goût de réglisse, la fin de la dégustation est un mélange de velours et de boisé.

 

Une fois avalé, la finale est assez longue et laisse un goût de raisin (effet cognac) et d’orge dans la gorge.

On peut clairement dire que cette base de distillat a su bénéficier de l’historique de distillation de la maison, car le fûts de cognac vient masquer sa jeunesse.

 

Passons au rouge.

 


PNDC 9918-9

 

Parmi les 3 références « de base » c’est le finish Pineau des Charentes qui impacte le « plus » la couleur du distillat. La couleur or sera un peu plus marbrée que les deux autres et masque un peu plus son age.

 

Le nez sera ici plus marqué en fruits rouges.

 

Le premier passage est beaucoup plus chaud et a un arôme plus prononcé sur des fruits rouges tels que la mure et sur le sucre.

 

Le Second passage laisse paraître des arômes de figues ainsi que des épices comme la cardamome et le poivre vert. 

 

Le troisième passage est plus boisé presque tourbé (j’aime beaucoup –NDLR-).

 

Dans le creux de la main un côté fumé apparait de suite mais s’estompe rapidement pour laisser place à l’orge.

 

 

En bouche, le ressenti du nez est confirmé car il est beaucoup plus marqué sur les fruits rouges et plus chaud que le précédent. Il semble légèrement plus âpre un instant mais cela ne dure pas. Les épices tentent une sortie mais restent eux aussi tapis avec l’âpreté. Ils s’atténuent ensuite sur des notes plus douces et velours.  Quelques épices arrivent à passer mais comme un baroud d’honneur car en fin de dégustation on va aller vers le raisin chasselas et même sur la fin le chocolat.

 

Une fois avalé, la finale est un peu plus courte que le CGNC et plus marquée par l’orge.

 

Et le jaune ?

 


STRN 9918-8

 

On retrouve ici la couleur or clair du CGNC.

 

Fidèle à son « appellation » Sauternes, on va avoir ici un whisky « moelleux ».

 

Le premier passage du nez est en effet très doux et mielleux. Un vrai bonbon. Mais il faut se méfier de certains bonbons car les épices sont vite présents et viennent chatouiller les cils.

 

Le second passage est plus boisé avec des notes plus fumées et un fonds de vanille.

 

La nature viticole de ce whisky ressort plus au troisième passage avec des arômes de raisin et un ressenti plus vineux.

 

Dans le creux de la main c’est clairement le caractère vigneron et vineux qui ressort avec une odeur de raisin.

 

 

A la dégustation, comme un Sauternes, il est beaucoup plus moelleux. Il a une texture pâtissière en bouche avec des épices sur le bout de la langue. Clairement beaucoup mielleux et sucré que les autres. On se love dans sa douceur. Au bout d’un moment petite note vineuse qui fait son arrivée mais très furtive.

 

Une fois avalé, la finale est longue et plus alcoolisée. Elle laisse une sensation douce dans la gorge et plus chaude et épicée sur le palais.

 

Comme vous venez peut-être de le comprendre, j’aurai une petite préférence pour le STRN, que d’ailleurs je vous conseille en accompagnement d’un foie gras. Histoire de vous laisser la sensation d’un accompagnement Sauternes mais avec un peu plus de pep’s !

 

Mais c’était sans compter sur la folie du LMBR !

 


LMBR 9918-4

On va passer ici un cap en termes de force et de ressenti.

 

Ce brut de fût (52 % alc/vol), encore jeune, se pare lui aussi d’une couleur dorée mais plus marquée que les trois autres références.

 

Et en plus il hume bon la tourbe légère (hey hey Peatdream quand même !! ).

 

Effectivement dès le premier passage, on détecte une très fine tourbe. Ce premier nez est légèrement fruité sur de la pêche et un fonds de raisin. Pour autant la force de ce brut de fût n’est pas apparente.

 

Au second passage l’ambiance se réchauffe, avec l’arrivée de légères épices sur des arômes de melon.

 

Au troisième passage les épices s’estompent et laissent la place à des arômes plus doux et une pointe d’agrumes.  

 

Dans le creux de la main  on a une très légère odeur de fumée et de bois.

 

Crédit Photos : B. Luzynska

 

En bouche, il délivre sa force. Il est beaucoup plus puissant compte tenu de son niveau d’alcool. Il commence par des notes citronnées. Elles se font ensuite plus florales et enfin clairement boisées. La force s’efface ensuite sur l’arrivée d’une très légère tourbe. On va ensuite avoir la texture vineuse du fût. Enfin, on passe sur les notes mielleuses et douces rencontrées sur les autres signatures de Fontagard. Une vraie folie ! Mais on nous avait prévenu !

 

Une fois avalé, la finale est longue et portée sur des notes boisées et des remontées d’anis étoilée dans la bouche.

 

Franchement pour dire que sorti du monde du cognac le nom Fontagard, compte tenu d’un travail sur le vieillissement qui masque au nez la jeunesse des distillats, qui n’était encore qu’une mystérieuse chimère il y a 3 ou 4 ans, devrait faire parler rapidement de lui dans les cercles d’amateurs de whisky.

 

D’ailleurs certains connaisseurs ne s’y sont pas trompé, mais je ne vous en dit pas plus et je vous laisse lire ma prochaine dégustation sur peatdream.com.  

 

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