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LA SPIRITERIE FRANCAISE - CHATEAU LE BREUIL

 

Quand on parle de montée en puissance des whiskies français (et si vous lisez mes lignes vous savez que j’aime en parler), bien entendu, on se dirige souvent vers le Grand Est et la Bretagne. J’ai déjà eu l’occasion de vous parler de la Nouvelle Aquitaine et de l’Occitanie mais en fait désormais le whisky coule à flot un peu partout à travers l’hexagone : Nord, Alpes, Sud Est…. (mea culpa si je ne cite pas toutes les régions).

 

La France recèle désormais plus de distilleries et producteurs de whisky qu’en Ecosses quand même que l’on se le dise !! Certes les volumes sont sans commune mesure mais quand même il faut le noter (et on peut en être fier) !!  Un vaste sujet que cette Journée 2022 du Spiritueux Français met en avant. 

 

 

Parmi ces effluves de distillats, il faut penser à une région qui ne plaint pas sa part : la Normandie.

 

J’ai déjà eu l’occasion de vous parler des ancêtres vikings agriculteurs de la Ferme Distillerie NORTHMAEN installés en plein pays de Bray (voir ici la dégustation), mais il existe aussi plus près de la mer, un « nouveau venu » (je vais y revenir) en pays d’Auge : la SPIRITERIE FRANCAISE sise au Château du Breuil.

 

 

 

Ni une ni deux (mais trois d’ailleurs), j’ai choisi de vous faire déguster ses trois références qui ne cessent de faire parler d’elles : LE BREUIL ORIGINE, LE BREUIL FINITION SHERRY OLOROSO et LE BREUIL FINITION TOURBEE  !

 

 

BRAD PEAT prend donc la direction de la Normandie et du Village du Breuil en Auge situé à mi-chemin entre les miracles de Lisieux et les fromages de Pont l’Évêque. Nous allons dans un château !?

 

Avec ses beaux colombages marrons et ses briques rouges, celui du Breuil se détache parfaitement du vert pâturage Normand sur lequel il est installé. 

 

 

Comme vous savez, j’aime bien faire des bonds dans le temps avec mon « super van BRAD PEAT spatiotemporel » afin d’aller chercher les origines des distillats dont je parle.

 

Aussi, si je devais utiliser son convecteur temporel pour parler dans un premier temps de cette bâtisse, il faudrait que je vise le règne de François 1er (début 16ème donc) et que j’aille à la rencontre de seigneur du Breuil et de Rabu Jean III de Bouquetot.

 

Ensuite, si je voulais aller au moment où d’un château, il a basculé dans l’air de l’industrie, il faudrait régler mon convecteur temporel sur 1833, quand il a été transformé en Moulin à blé et filature (de lin, de coton, de laine et de soie).

 

Mais le réglage qui serait le plus intéressant serait les années 50 du siècle dernier, quand il a été racheté par Philippe Bizouard (en 1954), grand homme qui a décidé d’y installer des alambics (deux ans plus tard) et d’y loger une distillerie de Calvados (devenue depuis une référence en la matière et le second producteur de la région).

 

 

Oui, je sais, vous vous dites « mais il va bien finir par parler de whisky !?? ».

 

Et bien oui car pour reprendre une célèbre réplique du Grand Michel Audiard «Vous avez beau dire, y'a pas seulement que de la pomme, y'a aut'chose. Ça serait pas dès fois de la betterave, hein ? ».

 

Non ce n’est pas de la betterave, mais l’orge que cela sent aussi depuis 2017 au Château du Breuil, car oui maintenant les deux alambics charentais distillent aussi de la bière.

 

Avant de vous parler du whisky normand, pour terminer mes bonds temporels désormais plus courts, je vais finir par un retour en plein confinement (en 2020) avec le rachat du tout par Frédéric Dussart dans un premier temps et enfin en 2021 avec un changement de nom : La Spiriterie Française, Château du Breuil – Normandie.

 

On y est ! LA SPIRITERIE FRANCAISE !

 

Pour en parler quoi de mieux que de partir à la rencontre de David CICERON (brand ambassadeur) et de Philippe ETIGNARD (maître de Chais). 

 

 

Ce fameux Philippe a un problème : il ne conçoit rien d’autre que le mieux !

 

Son champ d’action est large depuis plus de 10 ans qu’il travaille au Château.

 

La Distillerie est depuis longtemps une référence en termes de Calvados (tant en termes de distillation que de vieillissement), mais il n’a pas eu peur de glisser ce distillat de pomme dans des fûts de Sauternes, de Sherry Oloroso, de Porto et même de whisky.

 

Ensuite, il a participé au lancement de l’exploration des rhums, en les mélangeant ou en les glissant là aussi dans de fûts inhabituels : madère, bourbon, cognac…

 

 

Pour ce fin nez (et la nouvelle direction), il n’allait pas être possible de lancer le château dans le monde du whisky en se limitant à proposer des distillats en tant qu’embouteilleur comme cela a été le cas avec ses distillats irlandais WHISTLER ou comme simple distributeur (pour les scotchs THE ULTIMATE ou DUCAN’S, le bourbon OLD DAN TUCKER ou le whisky japonais NOBUSHI).  

 

 

La question a été « simple », comment faire le mieux en terme de whisky ?

 

Une des solutions qui s’est présentée, c’est d'utiliser la « reine » des orges (certes pas la moins chère et ni la plus productive, mais la plus aromatique) : l’orge GOLDEN PROMISE venue directement d’Outre-Manche. Cette dernière est quand même celle qui était jadis la plus utilisée et surtout celle qui est une des sources des réussites de The Macallan par exemple (NDLR).

 

La base est posée et l’aventure lancée depuis 2015.

 

Pour l’instant, la distillerie reste plus pomme qu’orge et tout le processus n’est pas encore intégré en Auge, mais ce n’est que l’histoire de peu de temps.

 

Certes, l’« or »ge anglaise transite par le Vexin (dans la « vacherie » de brasserie de SUTTER –conseil pour les amateurs de bière-) pour y être brassée, mais, le brassin lui est vaporisé dans les deux alambics. 

 

 

Surtout, c’est dans les deux chais de vieillissement (sec et humide), qui ont déjà largement fait leurs preuves avec le calvados, que le distillat final vient se reposer avant de nous régaler.

 

Et c’est là une nouvelle fois que Philippe a frappé. A côté des fûts de chênes de calva, il a fait venir des fûts de bourbon, de sherry et même de whisky écossais. 

 

 

Et alors ces choix ont-ils été judicieux ? Nous allons le voir à la dégustation, mais les premières médailles au WORLD WHISKY AWARD 2022 parlent d’elles-mêmes :

-       LE BREUIL ORIGINE médaille d’or ;

-       LE BREUIL SHERRY OLOROSO élu Meilleur whisky français (dans la catégorie sans age) ;

-       LE BREUIL FINITION TOURBEE médaille de bronze.

 

Pour un galop d’essais (comme sur le champ de course de Deauville tout proche) on peut dire que c’est plutôt réussi.

 

Alors on y goute ?

 

Commençons par le commencement :


DEGUSTATION LE BREUIL ORIGINE

 

Nous avons sous les yeux un whisky d’une couleur or un peu plus marquée que ce que l’on peut avoir avec certains fûts de bourbon.

 

Car oui, quoi de mieux pour commencer à produire du whisky que de montrer son savoir-faire dans des fûts habituels de bourbon.

 

Mais la teinte s’explique. Pour ce qui est le cas de l’ORIGINE, pendant 3 ans, il est très majoritairement vieilli en fût de bourbon de premier remplissage, mais il est « pepsé » au niveau de la couleur (pour le goût nous allons voir juste après) par une pichenette de futs de chêne français neufs.

 

Alors que donne-t-il au nez ?

 

Les premières odeurs qui sortent du verre vont être liées à la matière première et au phénols qu’il contient (et qui lui donneraient un air un peu citronné) dont il est issu avec une légère odeur d’orge. Pour autant assez vite une odeur sucrée de fruits à chair blanche comme la pèche de vigne fait son apparition

 

Au second passage, l’odeur s’arrondie et les arômes se font plus sucrés. A la pèche sucrée vient s’adjoindre un peu de poire et peu après quelques épices douces qui viennent piquer les cils du nez.

 

Au troisième passage, il va se faire plus chaud avec des notes d’amande et de noisette.

 

Dans le creux de la main, il est marqué par l’orge mais également par une odeur de noisette.

 

Crédit : le whiskyfrancais.com 

 

En bouche, il est doux en entrée sur un fruit bien très sucré. Il est ensuite un peu plus frais et floral montre une pointe boisée. Par la suite, on note des épices qui viennent chatouiller la langue. Mais vite il devient plus caramel et miel et clairement doux.  Quelques épices reviennent mais sans violence. On peut ressentir une pointe boisée vanillée sur la fin de la dégustation avec toujours cà et là de petites explosions épicées.

 

A la descente, il se refait fraicheur avec un peu de bâton de réglisse. Mais il laisse une impression de soyeux dans la bouche.

 

Le verre vide garde une petite pointe de pèche au début puis, laisse la place à l’orge.

 


DEGUSTATION LE BREUIL FINITION SHERRY OLOROSO

 

Pour cette seconde référence, bien entendu on va avoir une couleur beaucoup plus ambrée annonçant clairement un passage en fût de vin espagnol.

 

En effet, si pendant 1 an le distillat est conservé en fût de bourbon de 1er remplissage, il est ensuite transféré pendant 2 ans dans des fûts de sherry Oloroso de l'Andalousie atlantique afin de lui donner le fruité d’une soirée d’été espagnole.

 

De fait, quand le nez entre dans le verre la première fois, il va trouver au tout début les notes « habituelles » du précédent whisky sur une certaine douceur, mais très vite la danseuse espagnole va faire son effet avec une odeur plus suave de prune.

 

Au second passage cette odeur fruitée se calme un peu pour laisser place à des notes plus boisées et a un retour en force du malt (c’est pour qu’il soit présent que le Golden Promise a été choisi alors cela paraît normal !).

 

C’est d’ailleurs ces notes boisées et vanillées qui dominent le troisième passage.

 

Dans le creux de la main, des notes vineuses se mélangent à l’orge.

 

 

La chaleur espagnole se révèle beaucoup plus en bouche car c’est le soleil andalou qui rentre en premier en bouche trainant dans son sillage des notes sucrées de fruits gorgés de ses rayons comme la prune et le raisin. Ensuite c’est au tour des fruits rouges à coup de cerise et de mure. Toute la dégustation est marquée par la chaleur.

 

La finale reste chaude et vineuse avec quelques rayons de soleil dans la gorge et la bouche.

 


DEGUSTATION LE BREUIL FINITION TOURBEE

Pour terminer, passons à un mot cher à PEATDREAM : La tourbe.

 

Mais que l’on ne se trompe pas, le liquide or clair mais un peu plus profond que la version ORIGNALE qui coule dans le verre n’est pas à proprement dit un whisky tourbée car la Golden Promise qui en est la base ne l’est pas. L'orge initiale est la même que pour les deux autres distillats.

 

Comme l’annonce l’étiquette de la bouteille, nous sommes en présence d’une « finition tourbée ».

 

D’ailleurs son vieillissement en est la preuve. Après une année passée en fût de bourbon comme ses deux compères, il est, lui, glissé pendant 2 ans dans des fûts ayant fait un premier travail sur des whiskies tourbés dans le sud de l’Ile d’Islay. Et quand on connait la charge phénolique des distillats de cette partie de l’« ile aux merveilles », on peut se douter que quelques traces de pneu doivent rester accrochés aux douelles. 

 

Alors qu’en est-il ?

 

En fait, quand on plonge le nez une première fois dans le verre, on distingue bien quelques effluves de fumée de tourbe. Néanmoins, elles sont très discrètes et très éloignées de celles d’un whisky tourbé. Pour autant, elles sont présentes avec une odeur tourbe fumée d’herbe. En laissant le nez dans le verre on va un peu retrouver notre ORIGINE avec ses notes céréalières.

 

Au second passage, alors que la petite fumée se dissipe, l’air se charge d’un peu plus de fruits et surtout d’un peu plus d’épices.

 

Au troisième passage, les épices sont toujours présentes mais vient s’y adjoindre une note plus caramel chauffé à la flamme et de graine de cacao torréfiée.

 

Le test du creux de la main ne trompe pas, la fumée de tourbe est la et c’est bien elle qui accompagne l’orge.

 

 

En entrée de bouche, on relève des notes de fumée froide puis d’épices . Ensuite bien qu’elles restent persistantes elle font plus de place à des notes d’agrumes légèrement citronnées. La tourbe se fait ensuite très discrète sous l’effet des tensions poivrées. Derrières ces piques on découvre ensuite un whisky moelleux et chaud qui va vers le miel et le biscuit à la vanille avec toujours quelques tensions d’épices ça et là.

 

La finale est longue et montre des retours de fumée de tourbe mais également des notes vanillées et surtout une longue retro-olfaction de fumée et de poivre dans la bouche. 

 

Le verre vide est frais et très discret par rapport au deux autres références. On ressent néanmoins quelques notes fruitées de pèche et sucrées.

 

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est, qu’au regard de ces 3 dégustations, pour des références jeunes (3 ans) d’un nouveau venu dans le whisky, « l’affaire » semble assez bien maitrisée et qu’il pourrait bien y avoir de jolies choses dans l’avenir du côté du château Normand.

 

On se prend à rêver à des travaux sur des fûts plus ou moins atypiques (la distillerie ne fait pas que du whisky je rappelle, si besoin est, que la France a quand même un sacré vivier de douelles qui ont contenu toutes sorte d’alcool).

 

Il me semble avoir d’ores et déjà entendu parlé d’un single cask bourbon et d’un travail avec une autre distillerie, mais….. Pt’et bien que oui, pt’et bien que non ! 😉🇫🇷

 

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